Ankara refuse d’extrader le vice-président irakien 10 mai 2012
Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie.Tags: Interpol, Irak, Iran, Nouri al-Maliki, politique étrangère, Syrie, Tarek al-Hachémi
trackback
Le Figaro (France) no. 21079, jeudi 10 mai 2012, p. 9
Laure Marchand, Istanbul
Le leader sunnite est accusé par Bagdad d’avoir commandité l’assassinat de six juges et de plusieurs officiels irakiens.
« Non » : la réponse des Turcs ne s’est pas fait attendre. Vingt-quatre heures après la diffusion par Interpol, à la demande de Bagdad, d’une « notice rouge » à l’encontre de Tarek al-Hachémi, Ankara a refusé hier d’extrader le vice-président irakien. Cette fin de non-recevoir ne va pas améliorer les relations déjà tendues entre l’Irak et la Turquie. Le leader sunnite, dont le procès par contumace doit s’ouvrir aujourd’hui dans la capitale irakienne, est accusé par la justice de son pays d’avoir commandité l’assassinat de six juges et de plusieurs officiels irakiens. Réfugié au Kurdistan, au Qatar puis en Arabie saoudite, il se trouve en Turquie depuis un mois. Selon la chaîne turque NTV, il est logé dans un luxueux appartement à Istanbul et bénéficie d’une garde rapprochée de la police.
En apprenant la demande d’arrestation diffusée par l’agence internationale – qui ne correspond cependant pas à un mandat d’arrêt international – le premier ministre turc a déclaré que Tarek al-Hachémi resterait en Turquie tant que ses « problèmes de santé » l’exigeaient et qu’il se trouvait sous la protection de l’État turc. « Nous l’avons soutenu et nous continuerons à le soutenir », a ajouté Recep Tayyip Erdogan. Le mandat d’arrêt irakien contre le dignitaire du parti laïque Iraqiya, soutenu par Washington et Ankara et qui est en lutte frontale avec le premier ministre chiite, Nouri al-Maliki, dans l’orbite de Téhéran, a été délivré en décembre dernier, le lendemain du retrait des soldats américains. « Je ne suis pas au-dessus des lois », a réagi M. Hachémi à l’annonce de la notice rouge d’Interpol, mais il dit craindre pour sa vie s’il rentrait en Irak et dénonce un procès politique.
La Turquie, également sunnite, a noué des liens privilégiés avec Tarek al-Hachémi, partisan d’un Irak unifié. La partition territoriale du pays, avec un Kurdistan totalement indépendant dans le nord, constitue la hantise des Turcs. Pour le gouvernement islamo-conservateur, Nouri al-Maliki attise les contentieux ethniques en marginalisant la minorité sunnite, ce qui pourrait déclencher une guerre civile et conduire à un éclatement de l’Irak. Le pouvoir chiite à Bagdad dénonce, lui, une ingérence turque dans ses affaires intérieures.
Le non d’Ankara à la demande d’extradition de Tarek al-Hachémi succède à une passe d’armes verbale musclée entre les deux voisins. Fin avril, alors qu’Erdogan accusait son homologue irakien de dérives autoritaires et de monter les communautés les unes contre les autres, ce dernier rétorquait que la Turquie devenait un « État hostile » pour la région. Car leur différend se répercute au-delà de leurs frontières respectives. Concernant le dossier syrien, par exemple, Ankara a pris fait et cause pour les rebelles, majoritairement sunnites. Alors que Bagdad soutient fermement le régime d’el-Assad, qui appartient à une branche cousine du chiisme, l’alaouisme.
Nouri al-Maliki n’apprécie guère que la diplomatie turque ait abandonné sa position de médiateur pour « un rôle bien plus ambitieux » dans la région, commente Henri Barkey, professeur de relations internationales, spécialiste de la Turquie, celui d’y imposer son « hégémonie ». Et derrière le froid entre Ankara et Bagdad se profile la rivalité turco-iranienne au Moyen-Orient.
Commentaires»
No comments yet — be the first.