Risque réduit de contagion 25 mai 2012
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L’Agéfi Suisse, vendredi 25 mai 2012, p. 2
Charles-Henri Kerkhove
Turquie. Le pays bénéficie d’atouts importants et a su réduire les risques en cas d’aggravation de la crise en Europe.
Au vu des liens commerciaux étroits entre l’Europe occidentale et l’Europe émergente, et la forte présence de groupes bancaires européens dans ces pays, les investisseurs en Europe émergeante se posent tous la même question: quels sont les risques de contagion en cas d’aggravation de la crise en Europe? Bien que cette question soit tout à fait pertinente, il convient de distinguer le bloc des pays de l’Est et la Turquie. Car même si le consensus s’attend à une croissance du PIB de 2,95% en Pologne en 2012 – grâce aux liens étroits avec l’Allemagne – il prévoit une croissance faible, voire négative, dans les Balkans. A contrario, au cours des dernières années, la Turquie a su réduire sa dépendance économique à l’Europe de l’Ouest, réduisant par là-même les risques de contagion.
Avec une croissance exceptionnelle du PIB de 8,5% en 2011, la Turquie n’a clairement pas souffert du ralentissement économique en Europe etpeut être mise à pied d’égalité avec des pays tels que l’Inde et la Chine. Les liens commerciaux que le pays a su développer avec la région du Moyen-Orient a en effet soutenu ce taux de croissance remarquable. Tout au long du Printemps Arabe, la Turquie s’est positionnée comme l’exemple à suivre pour la démocratie islamique; son influence diplomatique dans la région a ainsi été dynamisée, ce qui a eu des répercussions positives sur ses échanges commerciaux régionaux. Un autre facteur ayant significativement contribué à la bonne performance économique de la Turquie est la forte hausse de la consommation des ménages – conséquence d’une plus grande disponibilité du crédit, tant à la consommation qu’hypothécaire. En effet, jusqu’à récemment, le contexte d’inflation élevée (en 2002 le taux d’inflation était encore supérieur a 60%) avait eu comme corollaire des crédits aux ménages quasi-inexistants. Mais la Banque Centrale Turque a su adresser le problème d’inflation élevée de manière exemplaire, et l’inflation tourne actuellement aux alentours de 10%.
La santé remarquable du secteur financier turc a également été un facteur important pour la croissance économique globale du pays. Après avoir traversé une crise majeure pendant les années 2000-2001, la Banque Centrale a fortement régulé l’industrie financière, afin d’éviter le renouvèlement des excès passés. Depuis, les banques turques ont notamment un ratio de solvabilité de base (Tier 1) supérieur à 16% en moyenne; elles ont donc peu souffert de la crise financière de 2008.
En outre, les opportunités de croissance domestique ont poussé les banques à préférer une croissance organique plutôt que de chercher à étendre leur réseau à l’étranger; elles ont donc été moins affectées par les déboires des pays limitrophes. De plus, la faible exposition à de la dette souveraine étrangère au sein des portefeuilles a contribué à limiter l’impact de la crise européenne sur le secteur financier turc. Enfin, il est particulièrement intéressant de noter que les banques étrangères contrôlant des réseaux bancaires locaux (comme HSBC et BNP Paribas) ont clairement marqué leur intention de continuer à investir dans le développement de leur réseau local. Ceci se traduit par les niveaux de valorisations des banques, cotées à un ratio de 1.5x P/B (rapport entre le cours de la société et sa valeur comptable) contre 0.7x P/B en Europe. Ainsi, en Turquie, le secteur financier est un composant majeur de l’indice du marché actions domestique, et permet aux investisseurs de gagner une exposition à un secteur en forte croissance.
La croissance économique turque souffre cependant d’un talon d’Achille – son déficit de la balance courante. En 2011, le déficit a en effet atteint 80 milliards de dollars, ce qui équivaut a 10% du PIB. La forte hausse de l’importation de biens de consommation, tout comme la hausse de prix du pétrole (la Turquie importe toute son énergie) n’a été que partiellement mitigée par la hausse des exportations. Ce déficit est financé en majorité par des flux de capitaux venant de l’étranger, ce qui rendla Turquie particulièrement dépendante à l’appétit des investisseurs pour le risque, source de financement de sa croissance.
Malgré cette faiblesse, une série de développements positifs peut être notée depuis le début de l’année. Premièrement, la croissance du PIB est attendue à la baisse cette année, avec une croissance de 2.6% prévue pour 2012 (8.5% en 2011). Alors que la majorité des pays occidentaux arrivent difficilement à un niveau de croissance similaire, il est positif pour la Turquie. En effet, la Banque Centrale a pris des mesures concrètes tout au long del’année dernière pour réduire le risque de surchauffe économique, en limitant notamment les prêts au secteur privé. La Banque Centrale a ainsi réussi à faire baisser le taux de 40% début 2011 – qui n’était clairement pas soutenable – à 15% attendus en 2012. De plus, grâce à des mesures pour encourager les exportations (réductions de taxes et subsides), ces dernières ont sensiblement augmenté- les chiffres montrent une hausse de 33% des exportations vers le Moyen-Orient. Enfin, une série de mesures ont également été prises par le gouvernement pour augmenter le taux d’épargne auprès de la population locale. L’ensemble de ces mesures devrait permettre de réduire le déficit de 10% en 2011 à environ 8% en 2012.
Au cours des dernières années, la Turquie a clairement su réduire sa dépendance économique vis-à-vis de l’Europe de l’Ouest; le pays a également réussi le pari de solidifier son secteur bancaire, ce qui lui a permis d’échapper à l’effet de contagion de la crise en zone Euro. La Turquie bénéficie donc d’atouts importants, même si elle n’est pas exempte de tout risque.
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