Mobilisation pour l’étudiante détenue en Turquie 13 juin 2012
Posted by Acturca in France, Turkey / Turquie.Tags: Belleville, Lyon, mobilisation, Sevil Sevimli
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Le Progrès (France) mercredi 13 juin 2012, p. 1
Annie Demontfaucon, Belleville
La famille, les proches et les camarades de Sevil Sevimli, l’étudiante du Beaujolais emprisonnée depuis un mois en Turquie, se mobilisent. Ils témoignent de leur désarroi et de celui de la jeune fille.
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Etudiante détenue en Turquie : « Notre fille n’a rien fait d’illégal »
Belleville. La famille et les proches de Sevil Sevimli, l’étudiante emprisonnée depuis unmois en Turquie, se mobilisent.
Sa fille lui ressemble tant. Brune comme elle, la même chevelure, le même regard noir aussi. Mais le sourire de Sevil Sevimli qui s’affiche sur les tracts et les tee-shirts, s’est figé sur les lèvres de sa mère. Droite et digne, Sevim a ouvert sa maison depuis ce week-end aux journalistes qui, sans cesse l’interrogent, sur sa « grande ». Le cousin de son mari, Aliriza, assure l’interface.
« Je ne repartirai pas sans ma fille »
Dans le salon décoré sobrement, chacun, ami, proche, parent, va et vient sans bruit. On se tait pour laisser parler Aliriza et la blonde Sinem, la copine d’enfance qui a lancé le comité de soutien à Belleville. Sonnés par l’absence de Sevil, les Sevimli font bloc.
Sur les photos alignées contre le mur, une jolie jeune femme de 21 ans sourit à la vie. Les images d’un bonheur simple qui s’est brisé une nuit de mai. « Les policiers sont venus l’arrêter dans son appartement à Eskisehir alors qu’elle dormait. Il y a eu également d’autres arrestations dans le pays, toutes à la même heure », confie Sinem. L’étudiante a peur de monter dans la voiture de police, elle ne sait pas ce qu’on lui reproche. « Elle a reçu des coups, a été tirée par les cheveux mais depuis, elle n’a pas été maltraitée ».
Silencieuse, Sevim écoute. Elle revient tout juste de Turquie où elle a pu rencontrer sa fille au parloir, la regarder derrière une vitre et lui parler seulement par téléphone. « Pour me rassurer, elle m’a dit qu’elle allait bien mais elle était fatiguée, mal peignée et très pâle ». Chaque mercredi, pendant un mois, Sevim a fait le trajet jusqu’à la prison de Seyitgazi située en Anatolie centrale. Elle a pu récupérer quelques livres de cours dans son appartement et lui apporter. Les autorités lui ont dit que sa fille pourrait passer ses examens de licence. Si elle avait étudié la médecine au lieu du journalisme, aurait-elle subi le même sort ? Ses proches en doutent.
Pauvre Sevil qui a découvert brutalement que la Turquie n’était pas la France. Ses parents, pourtant, lui avaient recommandé d’être prudente, de ne pas s’écarter de ses études, sans s’imaginer que leur fille risquait de perdre la liberté. « C’est une personne travailleuse, courageuse, avec une scolarité exemplaire, qui méritait de partir en Erasmus », indique le médecin de famille qui soutient les Savimli. Mais Sevil a une santé fragile. Sans médicament, comment supportera-t-elle l’incarcération ? Très inquiète, sa mère a décidé de repartir dès lundi pour la Turquie : « Je ne veux pas la laisser seule. Et moi, je ne peux attendre ici. Je resterai là-bas jusqu’à ce qu’elle sorte. »
Son mari, Erdogan, vient d’arriver. Il a distribué des tracts à Belleville. Il a confiance en sa fille. « Elle n’a rien fait d’illégal. Même les journaux turcs le disent ».
L’étudiante Erasmus soupçonnée de liens avec une organisation clandestine
En même temps que l’étudiante de Lyon 2 en information et communication, cinq autres étudiants dont quatre femmes ont été arrêtés à Eskisehir, une ville du nord-est de la Turquie le 9 mai. La Bellevilloise partie dans le cadre d’un échange Erasmus pour une année de licence de journalisme, est soupçonnée de liens avec le DHKP-C, le Front de libération du peuple révolutionnaire, un mouvement considéré comme terroriste par l’Etat turc. On reproche à la jeune femme d’avoir participé à la fête et au pique-nique du 1er-Mai, assisté à un concert d’un groupe de gauche, placardé une affiche réclamant la gratuité des études. Ces faits ne sont pourtant pas répréhensibles en Turquie, souligne son avocat qui reste optimiste sur l’issue du procès dont la date n’est pas fixée. Sevil Sevimli qui n’a jamais milité en France, conteste tous liens avec le DHKP-C. « Je suis une simple étudiante, je n’appartiens à aucune organisation. Je pensais avoir les mêmes libertés qu’en France ».
La bi-nationalité : un frein pour intervenir
Sevil Sevimli est de nationalité franco-turque. En Turquie, elle est considérée comme turque et cette situation ne facilite pas les démarches. Ainsi, précise son avocate française, la jeune femme ne peut bénéficier d’une protection consulaire qui lui aurait permis de recevoir la visite du consul de France en prison.
Un soutien précieux car un consul peut s’assurer que les lois locales en matière de protection des prisonniers et des droits de la défense sont appliquées, que les conditions matérielles de détention et d’accès aux soins médicaux en cas de besoin sont respectées…
« Nous mettons tout en oeuvre pour que ce dossier connaisse une issue favorable mais nous devons être très prudents », souligne Bernard Fialaire, le maire de Belleville-sur-Saône. La mairie est rentrée en contact avec le ministère des Affaires étrangères qui a pris en charge le dossier.
Un dossier sensible : le gouvernement turc n’apprécierait pas que la France s’immisce trop dans ses affaires.
Côté turc, la presse qui qualifiait au départ la jeune étudiante de « terroriste » se montre plus tolérante aujourd’hui en rappelant que la Turquie n’est pas la France. Le journal Milliyet a même titré ironiquement : « Sevil, bienvenue au pays ! ».
Manifestation dimanche
Un comité de soutien à la jeune étudiante vient de se créer à Belleville, animé par une amie d’enfance de Sevil, Sinem. « On n’a pas réagi tout de suite car au début, on avait peur, on n’avait pas de nouvelles puis on s’est entretenu avec les avocats et on a décidé de se mobiliser pour la sortir de là ». Le comité organise dimanche une manifestation à Lyon à laquelle participeront beaucoup de Bellevillois. La famille et les amis de Sevil ont également ouvert une page Facebook où 700 personnes se sont déjà inscrites.
Manifestation dimanche à 14 heures place Jean-Macé à Lyon 7e. Email comité de soutien : sevil.sevimli@hotmail.fr
dans tous les pays du monde il convient de se préoccuper et de s’informer des contextes et sensibilités particulières des Etats avant d’agir surtout pour des activités relatives au journalisme
Bravo pour votre compassion! Sevil est étudiante, pas journaliste. La Turquie claironne sur tout ses sites de propagande qu’elle est une démocratie.. Et Sevil n’a absolument tien fait de répréhensible (à moins que la naïveté à 20 ans soit un délit?), mais cette loi antiterroriste permet à n’importe quel imbécile ayant un peu d’autorité de faire embastiller qui il veut sans aucune preuve. Les cas sont légion malheureusement!