Le désarroi de la famille de Sevil, étudiante lyonnaise détenue pour terrorisme en Turquie 27 juin 2012
Posted by Acturca in France, Turkey / Turquie.Tags: arrestation, étudiant, Lyon, Sevil Sevimli
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Le Monde (France) mercredi 27 juin 2012, p. 8
Guillaume Perrier (avec Richard Schittly, à Lyon)
Sevim Sevimli est désemparée. Mercredi 20 juin, c’était la sixième fois qu’elle rendait visite à sa fille, maintenue en détention provisoire à la prison d’Eskisehir (nord-ouest de la Turquie) depuis bientôt un mois et demi. » Chaque matin, je me réveille et je vis un cauchemar « , soupire cette mère de famille, venue cette fois en Turquie avec ses deux autres enfants, âgés de 14 et 2 ans. » Maintenant j’attends, je suis décidée à rester ici jusqu’à ce qu’elle soit libérée. Je ne quitterai pas la Turquie sans ma fille. »
Les semaines passent et la situation de Sevil, une jeune étudiante lyonnaise de 20 ans, tarde à s’éclaircir. Arrêtée le 9 mai à l’aube par la police antiterroriste turque, dans la ville universitaire d’Eskisehir, la jeune femme est accusée de » collusion avec une organisation terroriste « . Elle risque jusqu’à douze ans de prison.
Au cours de ses interrogatoires, elle s’est vue accusée d’avoir participé au défilé du 1er mai, pourtant légal, à Istanbul, d’avoir assisté, parmi 300 000 personnes, à un concert de Yorum, un groupe populaire et politiquement engagé à gauche. On lui reproche également d’avoir collé une affiche réclamant la gratuité de l’enseignement et d’avoir participé à des pique-niques organisés par une association étudiante. Suffisant pour être accusée de collusion avec le Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple révolutionnaire (DHKP-C), une organisation illégale d’extrême gauche, en sommeil depuis une dizaine d’années mais qui reste placée sur sa liste noire par l’Union européenne.
Etudiante à l’université Lyon-II en information et communication, Sevil Sevimli était partie en Turquie dans le cadre du programme d’échange européen Erasmus. » Elle est née en France, elle est française. Nous venions très rarement en Turquie. Elle venait pour étudier et pour mieux connaître notre pays. Nous avions un peu peur, mais nous ne voulions pas nous y opposer « , raconte sa mère. La famille, des Kurdes de confession alévie, venus de la région d’Elbistan, dans le sud-est de la Turquie, s’est établie près de Lyon – le père, artisan y est installé depuis 1984. Avide de lecture, curieuse de tout selon ses proches, Sevil rêve de devenir journaliste, » reporter de guerre « , précise sa petite soeur.
Dossier inaccessible
Dans l’attente qu’une date soit fixée par la justice pour le procès, qui se tiendra à Ankara, les faits reprochés à la jeune femme, ainsi qu’à cinq autres étudiantes de son campus, demeurent totalement absurdes pour les parents, peu au fait des pratiques judiciaires turques. Le dossier est inaccessible, même pour les avocats, comme pour toutes les affaires de » terrorisme « . L’ambassade de France à Ankara n’a pu obtenir aucune précision. Binationale, Sevil est considérée comme turque en Turquie. Même les lettres de ses proches, en français, lui sont refusées par les autorités pénitentiaires. » Sevil n’est pas une militante de la première heure. En France, elle n’a jamais participé à des mouvements étudiants. Elle n’a même pas mis les pieds place Bellecour – lors des émeutes d’octobre 2010 à Lyon – . Je suis sûre qu’elle n’a rien fait d’illégal « , témoigne Sinem Elmas, 22 ans, étudiante à Saint-Etienne, et qui coordonne le comité de soutien en France.
Cette affaire a mobilisé la communauté franco-turque et plus particulièrement les milieux de la gauche alévie, une branche minoritaire de l’islam très présente en Turquie. Dimanche 17 juin, environ 350 personnes ont manifesté à Lyon, pour réclamer la libération de Sevil. En tête d’un cortège, son père, Erdogan Sevimli, brandissait le portrait de sa fille, tandis que sa mère portait un tee-shirt blanc floqué de son portrait.
Mais le cas de Sevil est loin d’être isolé en Turquie. Plus de 600 étudiants et un millier de lycéens ont été arrêtés ces derniers mois pour leur proximité avec les milieux de gauche. Des centaines d’autres ont fait l’objet d’enquêtes ou d’exclusions pour leurs idées politiques supposées.
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