Une réforme scolaire décriée 20 septembre 2012
Posted by Acturca in Religion, Turkey / Turquie.Tags: Education, imam hatip
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Le Temps (Suisse) jeudi 20 septembre 2012
Delphine Nerbollier, Istanbul
La rentrée cette semaine a été marquée par un accès facilité aux écoles religieuses voulu par le gouvernement islamiste modéré de Recep Tayyip Erdogan. L’opposition kémaliste s’insurge.
C’est un premier ministre turc apparemment très heureux qui, au premier jour de la rentrée scolaire lundi dernier, s’est rendu dans une école de prédicateurs religieux dans la ville anatolienne de Denizli. Lui-même diplômé d’un tel établissement, Recep Tayyip Erdogan a exprimé son «enthousiasme» et son «bonheur indescriptible de rendre le prestige» à ces écoles connues en turc sous le nom d’imam hatip.
Pris pour cibles par le pouvoir politico-militaire après le coup d’État dit postmoderne du 28 février 1997, ces établissements, accusés de mener des activités «réactionnaires» contraires aux principes très stricts de la laïcité alaturca, avaient vu leur accès limité. Or cette année, ces écoles retrouvent de leur aura via le passage d’une réforme imposée en quelques mois par le gouvernement Erdogan. Elles sont désormais accessibles aux élèves dès l’âge de 9 ans contre 14 jusqu’à l’an dernier. Près de 700 établissements ont été ouverts à travers le pays, parfois en lieu et place d’autres écoles classiques. D’après les premiers chiffres disponibles, 9% des élèves turcs sont scolarisés dans ce type d’écoles de prédicateurs où filles (voilées) et garçons étudient séparément.
Pour Recep Tayyip Erdogan, «la répression, les pressions et les mesures antidémocratiques» imposées après le 28 février 1997 ont donc «pris fin». «Aviez-vous fermé les imam hatip car ils ne formaient pas de terroristes ou parce qu’ils ne formaient pas d’anarchistes?» a-t-il demandé, lundi, dans un discours qualifié par ses opposants de revanchard et violent.
Cet accès facilité aux imam hatip est largement critiqué par le Parti républicain du peuple (CHP, le principal parti de l’opposition), héritier de la tradition kémaliste et tenant d’un système laïc parfois rigide. D’autant que d’autres réformes ont été passées dans le cadre de cette restructuration du système éducatif décidée sans aucune consultation avec les enseignants. Outre l’allongement de la durée de scolarité obligatoire passée de huit à douze années et l’abaissement de l’âge obligatoire d’entrée à l’école, des cours facultatifs sur la vie du prophète Mahomet ont fait leur entrée dans le cursus des collèges.
De nombreuses associations notamment alevis craignent que ces cours ne deviennent de fait imposés vu la pression sociale actuelle. Les tenants de la tradition kémaliste s’inquiètent enfin du retrait de toute mention aux «principes d’Atatürk» (le fondateur de la Turquie moderne) dans la manière dont les livres scolaires seront désormais rédigés. Pour Haluk Koc, du CHP, cette réforme «idéologique» permet à l’AKP de «régler ses comptes avec la République». Il déplore que les élèves soient désormais embrigadés dans un système «religieux» et «coupé de la science».
Pour le gouvernement, en revanche, cette réforme apporte davantage de liberté et de choix aux écoliers. C’est en ce sens qu’il explique la possibilité (historique) de pouvoir suivre des cours facultatifs de langue kurde au collège. De la «poudre aux yeux», rétorque le Parti pour la paix et la démocratie (BDP, pro-kurde) pour qui cette réforme ne répond pas à la demande des Kurdes pour un enseignement dans leur langue maternelle.
Recep Tayyip Erdogan ne cache en tout cas pas sa volonté d’insuffler davantage de religiosité dans la vie sociale des Turcs. En février, il a ouvertement déclaré vouloir former une «jeunesse religieuse» et, plus tard, il a vanté une Turquie basée sur une «seule nation, une seule langue et une seule religion».
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