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Ce que veulent les nouveaux Allemands 9 octobre 2012

Posted by Acturca in Books / Livres, Immigration, Turkey / Turquie.
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Le Monde (France) mardi 9 octobre 2012, p. 28
Lettre d’Allemagne

Frédéric Lemaître

Ce sont deux livres. Deux essais sur l’intégration. L’un est un best-seller, l’autre pas. Heinz Buschkowsky, le maire social-démocrate de Neukölln, est l’auteur du premier.

Neukölln (160 000 habitants) est LE quartier à problèmes de Berlin. Rien à voir pourtant avec la Seine-Saint-Denis. Il y a de nombreux commerces, on s’y balade sans se sentir en danger et les bus et les taxis sont omniprésents. Il est même de bon ton à Berlin de déclarer que c’est désormais à Neukölln que « ça bouge ». Pourtant, dans son essai Neukölln est partout (Neukölln ist überall, Ed. Ullstein, 400 p., 19,99 €), Heinz Buschkowsky en dresse un tableau bien sombre. Il y dénonce les femmes voilées, les familles qui n’envoient pas leurs enfants à l’école, les immigrés qui parlent à peine allemand mais sont incollables sur les aides auxquelles ils ont droit, le racket des grands frères… Pour tenter d’y remédier, il préconise de mettre le paquet sur la formation mais aussi de supprimer les allocations familiales aux parents qui ne scolarisent pas leurs enfants, voire de renvoyer chez eux ceux qui ne veulent pas s’intégrer.

A la différence de Thilo Sarrazin, (lui aussi membre du SPD) qui, en 2010, estimait que l’Allemagne courait à sa perte parce qu’elle était envahie par les étrangers, Heinz Buschkowsky est un homme de terrain. Né en 1948 à Neukölln dans une famille modeste, il connaît les moindres recoins de ce quartier dont il est maire depuis 2001. Surtout, il peut mettre en avant certaines initiatives sociales prises ces dernières années. Néanmoins, son essai fait l’objet d’une vive polémique.

Naika Foroutan, enseignante en sciences sociales à l’université Humboldt (Berlin) dénonce dans le Spiegel un livre « raciste ». Arrêtons de faire croire aux gens que les crimes d’honneur sont monnaie courante en Allemagne alors que la police n’en dénombre que cinq ou six par an. Intéressons-nous plutôt aux 34 enfants abusés chaque jour, y compris dans les bonnes familles, et dont personne ne parle.

Arrêtons de nous inquiéter de la « dissémination de l’islam » alors que 5 % seulement des habitants de ce pays sont musulmans et que ce nombre ne devrait pas augmenter dans les vingt ans à venir. Arrêtons de faire des affiches pour dénoncer le salafisme (une récente initiative du ministère de l’intérieur) alors que la police dénombre 3 400 salafistes dans le pays, bien moins que de néo-nazis qui, eux, ne sont pas désignés à la vindicte populaire. « Verrons-nous enfin l’intégration comme un devoir de tous dans ce pays où, d’ores et déjà, 20 % des habitants ont un passé migratoire ? », s’interroge-t-elle.

Justement, dans un second livre, trois femmes issues de l’immigration, journalistes à Die Zeit, racontent leur parcours de combattantes et comment, malgré leur réussite, elles restent perçues comme différentes. Dans Nous, les nouveaux Allemands. Qui nous sommes, ce que nous voulons (Wir neuen Deutschen, Wer wir sind, was wir wollen, Ed. Rowohlt, 180 p., 14,95 €), Alice Bota (d’origine polonaise), Khuê Pham (Vietnam) et Özlem Topçu (Turquie) ne demandent qu’une chose : qu’on cesse de considérer comme différents les 16 millions d’Allemands « avec un passé migratoire » – selon la terminologie officielle qu’elles qualifient « d’étrange monstruosité verbale » -, et qu’enfin, on comprenne qu’ils sont allemands. Que ce sont les nouveaux Allemands.

C’est une université. Elle vient d’ouvrir ses portes au centre de Berlin. A trois kilomètres à peine de Neukölln. Son nom : Bahçesehir University. Oui, c’est une université turque. La première en Europe. A l’origine de ce projet : un établissement privé à but non lucratif réputé d’Istanbul qui, après les Etats-Unis, se développe en Europe. Pour ses dirigeants, le choix de Berlin où vivent de nombreux Turcs, mais où leur scolarisation dans le supérieur reste problématique, allait de soi.

A 7 900 dollars les droits d’inscription annuels, il y a peu de chances que les familles de Neukölln y envoient leur progéniture. Les cours y sont donnés en anglais et la scolarité se déroule en alternance entre Berlin et Istanbul. Cinq disciplines sont au programme, explique sa directrice, le « Prof. Dr Süheyla Schroeder » : l’architecture, le design, le droit, la communication audiovisuelle et la gestion. Campus allemand d’une université turque, la Bahçesehir University ne peut pas recevoir de subventions publiques allemandes mais contourne l’obstacle en multipliant les partenariats avec les universités berlinoises. Une centaine d’étudiants devraient passer au moins un semestre à Berlin cette année et, pour la rentrée 2013, Mme Schroeder cherche déjà des locaux plus spacieux.

C’est une mosquée. Située à Darmstadt, au sud de Francfort. Depuis peu, son toit est recouvert de 41 panneaux solaires qui devraient produire bien plus d’électricité qu’elle n’en utilise. C’est donc la première éco-mosquée d’Allemagne. On la doit à Saidy Naiem, un ingénieur en électricité débarqué de Gaza en 1989 à 19 ans. Musulman et écologiste, il a fondé avec un Marocain, un Mauritanien, un Afghan et un Turc une petite association, Nour Energie, dont l’objectif est de convaincre les mosquées de la région de devenir productrices d’énergie. Coût de l’investissement : environ 20 000 euros pour l’achat des panneaux. Saidy Naiem et ses amis, eux, travaillent bénévolement. L’immigration musulmane, une source d’énergie pour l’Allemagne.

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