La scène turque à l’espace Louis Vuitton : entre timidité et surenchère 5 novembre 2012
Posted by Acturca in Art-Culture, France, Turkey / Turquie.Tags: Ali Kazma, Ali Taptik, art contemporain, Arts Visuels, Espace culturel Louis Vuitton, exposition, Gözde İlkin, Hale Tenger, Halil Altindere, Ihsan Oturmak, Kutlug Ataman, mode, Murat Akagündüz, Murat Morova, Paris
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ARTINFO.com, 5 novembre 2012 English
Par Céline Piettre
Jusqu’au 6 janvier 2013, l’Espace culturel Louis Vuitton nous invite à une déambulation dans la Turquie contemporaine, guidée par la jeune scène actuelle. Onze artistes se partagent le dernier étage de la boutique des Champs-Elysées – tandis que les vitrines du rez-de-chaussée sont investies par les hallucinations vénéneuses de la Japonaise Yayoi Kusama.
Du paysage (Murat Akagunduz) au carnet de voyage (Gozde Ilkin) en passant par la carte postale (Halil Altindere) et la cartographie (Murat Morova et Hale Tenger), toutes les expressions artistiques se mettent au service du territoire et de sa représentation. Les horizons sont variés. Ils puisent dans les traditions formelles de la Turquie – la résine, le conte, l’art de la miniature de Matrakçi Nasuh – tout en donnant à voir la société contemporaine, son urbanité galopante et ses lacunes relationnelles entre hommes et femmes (cf. l’incursion photographique d’Ali Taptik dans les profondeurs d’Istanbul).
Mais si l’exposition « Journeys» esquisse, assez bien il est vrai, un portrait de la Turquie – les traces des dominations successives, la tendance schizophrénique entre tradition et modernité, l’occupation inégale du territoire (les déserts d’Anatolie) et la place de la femme – elle semble constamment hésiter entre deux pôles. D’un côté des propositions qui contournent le politique, par des pirouettes symboliques. De l’autre une tendance à la théâtralisation, à la surexposition expressive des « drames », comme l’installation de Hale Tenger où un globe terrestre inversé s’éteint puis se rallume dans un décor spectaculaire de planétarium.
A l’image de cette indécision, l’œuvre de Murat Akagunduz, Hell-Heaven, introduit l’exposition en juxtaposant naïvement une Turquie rêvée et historique (les montagnes d’Anatolie, l’Euphrate) et une Turquie inquiète, effrayée (tels les yeux d’oiseaux sauvages qui envahissent les écrans vidéo).
Il ne s’agit bien sûr que d’un regard, celui du commissaire Hervé Mikaeloff (qui passe, en un grand écart plus ou moins maîtrisé de la scène indonésienne à la scène turque). Avec sa subjectivité et ses oublis – on pense notamment au collectif performatif Ha Za Vu Zu, découvert à la Biennale de Lyon en 2009, au vidéaste Kutlug Ataman et à l’artiste Ali Kazma, choisi pour représenter la Turquie à la Biennale de Venise en 2013. Mais, subjectivité ou pas, on attendait plus de cette « movida » turque, dont la langue (ou plutôt le pinceau, la plume, la caméra) s’est libérée depuis peu des académismes et des idéologies en vigueur.
Parmi les œuvres présentées, certaines sortent du lot. En tête : le superbe conte-vidéo de l’artiste féministe Canan (Ibretnuma, 2009), qui raconte l’histoire d’une jeune femme mariée de force par ses parents en reprenant la forme des miniatures de Levni et d’Abdullah Buharo, deux peintres ottomans « effacés des mémoires après la proclamation de la République ». Mais aussi le cavalier astronaute d’Halil Altindere, prêt à explorer de nouveau le berceau historique du pays, l’Anatolie, devenu un ilot touristique. Ou encore les toiles politiques d’Ihsan Oturmak qui passe par la représentation du système éducatif, des punitions aux incitations à la dénonciation, pour rappeler les « réflexes d’allégeance » du peuple turque.
Cliquez sur le diaporama pour découvrir Exposition Journeys – Déambulations dans la Turquie contemporaine.
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