Les conscrits turcs se rebellent face à la maltraitance 11 décembre 2012
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Le Soir (Belgique) mardi 11 décembre 2012, p. 9
Delphine Nerbollier, Istanbul de notre correspondante
Une association dénonce les violences faites aux jeunes sous les drapeaux. Hasan ne souhaite pas donner sa véritable identité : il fait partie de ces appelés du contingent turc assez courageux pour avoir porté plainte contre les autorités militaires après avoir été maltraités durant ses 6 mois de service.
« Un officier m’a battu sans aucune raison, explique ce jeune homme originaire d’Izmir. Je m’en suis ouvert à son supérieur qui m’a menacé de m’envoyer en prison si je portais plainte. Bien sûr, sur le coup, j’ai laissé tomber. » Quelques mois plus tard, son service militaire achevé, Hasan découvre sur internet l’existence d’une plateforme destinée à venir en aide aux conscrits dans son cas. « C’est grâce à eux que j’ai porté plainte » , explique-t-il.
Comme Hasan, ils sont plus de 430 à avoir pris contact avec cette plateforme nommée « Droits des soldats » (www.askerhaklari.com) créée en avril 2011. Leur démarche est une première dans ce pays à la longue tradition militaire où, comme le dit le dicton, « tout homme naît soldat » et où l’objection de conscience, inexistante, est perçue comme une traîtrise. « Nous essayons de donner un peu de pouvoir aux conscrits, explique Islam Tolga, le fondateur de ce site internet. Jusqu’à présent, personne n’a jamais vraiment tenté d’aider les appelés du contingent. Ils sont pourtant 400.000 par an à faire leur service en Turquie. »
Obligatoire pour les garçons, le service militaire dure de 6 à 15 mois, selon le niveau d’études des appelés qui courent le risque d’être envoyés au front, dans le sud-est, pour combattre les militants du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). « Nous avons reçu 432 plaintes, ajoute Tolga Islam. C’est encore très peu. Seuls les gens qui connaissent notre site osent porter plainte contre l’armée. »
Si son impact est encore limité, cette plateforme a permis de lever le voile sur les mauvais traitements et insultes infligés aux conscrits et dont l’existence est connue de tous mais rarement évoquée. Quelques affaires très symboliques ont ajouté à ce début de prise de conscience, comme le cas dramatique de Ugur Kantar, 15 mois de service militaire à Chypre-Nord.
Battu et privé d’eau
En juillet 2011, à la suite d’une bagarre, il a été placé en cellule de discipline, menotté à une chaise en plein soleil, battu par le gardien, privé d’eau avant de tomber dans le coma et de mourir, le 12 octobre 2011. « Quand il a été placé en cellule de discipline, il lui restait 5 jours à faire avant de rentrer à la maison, constate son père, Aydin Kantar, qui a porté plainte contre les autorités militaires. La justice n’existe pas ici. Il y a 20 témoins dans cette affaire mais seuls deux gardiens sont en prison. Pourtant ils ont tué mon fils. C’est un crime ! » Tolga Islam qualifie lui aussi ce procès de « comédie » et ne cache pas la difficulté à mettre en cause l’institution militaire. « La résistance est énorme » estime-t-il avant de reconnaître que « les choses bougent » .
Depuis la mort d’Ugur Kantar, l’existence des cellules de discipline est remise en cause, avec un projet de loi en préparation. « Le ministre de la Défense nous a promis de trouver une solution, explique Tolga Islam. Il y a un réel intérêt des autorités gouvernementales, de l’opposition et même de certains militaires pour faire le ménage dans l’armée. »
Le sujet est d’autant plus brûlant que les cas de suicides et de morts suspectes de soldats trouvent de plus en plus d’écho dans les médias : quatre jeunes appelés se sont donné la mort depuis deux semaines et s’ajoutent aux 965 militaires de 20 à 24 ans qui se sont suicidés ces 10 dernières années en Turquie. Ces scandales ternissent un peu plus l’image de l’ institution qui, depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du parti AKP (Parti de la justice et du développement, issue de la mouvance islamiste) a vu son prestige égratigné et ses capacités à intervenir dans la vie politique réduites.
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