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Entretien avec Kemal Dervis, ex-ministre turc de l’économie: « La Turquie peut changer sa manière de voir le processus d’adhésion » 12 février 2013

Posted by Acturca in Economy / Economie, EU / UE, Turkey / Turquie, Turkey-EU / Turquie-UE.
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Europolitique (Belgique) mardi 12 février 2013

Propos recueillis par Markus Bernath, à Istanbul

Le référendum sur l’UE qu’a annoncé le Premier ministre britannique a paradoxalement ouvert une porte pour la Turquie, selon Kemal Dervis. L’ancien ministre turc de l’Economie et patron du PNUD devenu vice-directeur de la Brookings Institution à Washington appelle à une redéfinition du processus d’adhésion de la Turquie à l’UE. La Turquie pourrait suivre le chemin de la Grande-Bretagne et rechercher un statut moins intégré, indique M.Dervis dans cet entretien à Europolitique.

Les négociations d’adhésion de la Turquie à l’UE butent sur la question chypriote. Comment sortir de cette impasse ?

Voyons les choses d’un point de vue général. L’Europe doit redéfinir et réinventer ses institutions. Comme le Premier ministre britannique l’a dit l’autre jour: Lorsque la crise de la dette sera terminée, nous aurons une zone euro qui sera très différente de ce qu’elle est aujourd’hui. L’on s’accorde généralement à dire que – si cela prendra un certain temps – l’eurozone en sortira plus intégrée, avec davantage de souveraineté partagée et une structure où la Commission et les ministres européens des Finances ont le pouvoir de supervision sur les membres de la zone euro. Certains pays pourraient ne pas être prêts à ce degré de partage de la souveraineté, comme le Royaume-Uni. Si il y a encore quelques pays comme la Suède, le Danemark ou l’Europe de l’Est comme la Bulgarie et la Roumanie, il n’est pas improbable qu’il y ait deux groupes dans l’Union européenne: l’un dans la zone euro et un autre groupe qui veut rester dans l’UE mais sans le degré de partage de la souveraineté.

En quoi cela diffèrerait-il d’aujourd’hui où vous avez des Etats membres à l’intérieur et à l’extérieur de la zone euro ou de l’espace Schengen ?

À l’exception du Royaume-Uni et du Danemark qui ont des clauses de non-participation, ceux qui ne font pas partie de la zone euro sont aujourd’hui obligés de se préparer, comme la Pologne, la Roumanie ou la Bulgarie, y compris la Turquie si les négociations d’adhésion devaient aboutir. La structure actuelle prévoit que la zone euro est la destination finale pour tout le monde. J’espère et je ne pense pas que le Royaume-Uni sortira de l’UE. Mais si la zone euro connaît une intégration plus poussée, par exemple, vous vous retrouverez avec un Parlement européen à deux niveaux.

Peut-on parler de construction saine avec une Europe à deux vitesses ?

Je ne vois pas d’alternative. Je suis pro-européen et une union bien plus serrée entre tous aurait tout pour me plaire. Mais je ne pense pas que cela se fera. Si le choix est le suivant: laisser sortir un pays aussi important dans le monde que le Royaume-Uni ou échafauder une configuration institutionnelle dans laquelle les Britanniques peuvent rester en tant que membres à part entière mais pas de l’eurozone et ses mécanismes potentiels futurs, je pense que l’Europe doit faire un effort et trouver le moyen de le faire. Cela ne signifie pas que chaque pays peut avoir son Europe à la carte. Il devra y avoir des règles communes, peut-être avec quelques règles spécifiques limitées applicables à certains pays. C’est dans ce contexte de la réinvention que je dis que la Turquie peut avoir un autre regard du processus d’adhésion en cours et que l’Europe peut aussi avoir un autre regard. Parce que si cette nouvelle Europe émerge de la crise, alors la question de l’adhésion turque se posera dans un cadre quelque peu différent. Il peut être plus facile pour les deux parties que la Turquie ait un statut comme la Suède, le Royaume-Uni, le Danemark dans cette nouvelle construction qui n’existe pas encore. Ce sera moins de souveraineté partagée que ce qu’auront l’Allemagne, la France ou l’Autriche.

Cela rappelle l’offre de « partenariat privilégié » faite à la Turque.

Ce n’est pas la même chose parce que le Royaume-Uni n’est pas non plus un partenaire privilégié, mais un membre à part entière. Dans un nouveau cadre éventuel, le Parlement européen se réunira en deux sessions, les députés turcs siégeant avec les Britanniques et les Suédois, et non pas avec les députés allemands. Les députés turcs ne prendraient pas de décisions sur la zone euro, mais sur d’autres parties de l’Union. Le ministre des Finances turc serait membre du Conseil Ecofin, mais pas de l’Eurogroupe.

Pour la Turquie, cela ne résoudrait en rien les problèmes de Chypre et le protocole d’Ankara.

Il faut évidemment les résoudre avant.

Dans quelle mesure la Turquie est-elle mentalement prête à partager sa souveraineté ?

La Turquie y est prête dans la même mesure qu’un pays comme la Suède est prêt à partager la souveraineté, mais peut-être pas comme l’Allemagne.

Quels échos vous proviennent de Turquie sur votre idée de deux types d’adhésion différents pour l’UE ?

Je reçois des réactions différentes de mes amis. Certaines personnes pensent que c’est une bonne idée à creuser. D’autres disent que nous devons être membre de la zone euro, peu importe comment, parce que sinon on ne sera pas au cœur de la prise de décision. Et j’ai des amis qui me disent: Vous rêvez, oubliez l’UE, cela ne se fera pas, ni de cette façon ni de l’autre. J’espère un débat factuel, novateur, sur les trois options au lieu de continuer comme si l’Europe ne changeait pas. La Turquie doit décider si elle veut continuer avec l’Europe et de quelle Europe elle veut faire partie.

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