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Turquie et Etats-Unis resserrent leurs liens 16 mai 2013

Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie, USA / Etats-Unis.
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Le Monde (France) jeudi 16 mai 2013, p. PEH7
Géo & Politique

Guillaume Perrier, Istanbul, correspondance

Analyse. 16 mai, entretien à Washington entre Barack Obama et Recep Tayyip Erdogan. Dans un Proche-Orient bouleversé par la crise syrienne, Ankara reste plus que jamais un point d’ancrage pour Washington. L’attentat du 11 mai à la frontière turque ravive les craintes de déstabilisation dans la région.

Le double attentat dans la ville de Reyhanli, proche de la Syrie, qui a fait plus de 40 morts, le 11 mai, illustre combien les choses ont changé depuis la dernière visite à Washington du premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, en décembre 2009. A l’époque, il n’était pas question de « printemps arabe », et la Turquie mettait en place une ambitieuse diplomatie régionale, développant des relations commerciales et géostratégiques avec ses voisins, y compris l’Iran et la Syrie.

Ankara tentait même, avec le Brésil, de jouer les intermédiaires entre l’Occident et Téhéran dans les négociations sur le programme nucléaire iranien. C’était également avant la « flottille de la paix » envoyée vers Gaza et la mort de neuf Turcs dans l’assaut de leur navire par l’armée israélienne, en mai 2010. Depuis cet épisode, la confiance et les relations diplomatiques ont été rompues entre la Turquie et Israël, deux alliés stratégiques des Etats-Unis dans la région…

Toutefois, une chose reste constante à la veille de la visite cruciale que commence M. Erdogan, le 16 mai, à Washington : la proximité affichée entre l’homme fort du gouvernement turc et le président américain, Barack Obama. Dans un entretien au magazine Time en 2012, M. Obama avait placé Recep Tayyip Erdogan parmi les cinq dirigeants dont il se sentait le plus proche, aux côtés d’Angela Merkel et de David Cameron. C’est aussi à la Turquie que le président américain avait consacré l’une de ses premières visites à l’étranger, en 2009, après son arrivée à la Maison Blanche. Aujourd’hui, dans une région en plein bouleversement depuis deux ans, l’allié turc reste plus que jamais un point d’ancrage pour les Etats-Unis. « Avec le retrait des troupes d’Irak et celui d’Afghanistan, programmé pour 2014, Washington est conscient du besoin de compter sur des alliés régionaux solides. Et la Turquie a le profil du primus inter pares », estime Sinan Ulgen, du Centre d’études économiques et de politique étrangère, à Istanbul.

Au menu de ce voyage outre-Atlantique du premier ministre turc, la situation en Syrie occupera une place de choix, depuis l’attentat du 11 mai. Sur ce point, M. Erdogan va insister auprès de Washington pour « convaincre [les Etats-Unis] d’avoir une approche plus interventionniste, notamment en débloquant le transfert d’armes létales vers l’opposition syrienne », selon M. Ulgen.

Dans une interview accordée le 9 mai à la chaîne américaine NBC, le chef du gouvernement turc a plaidé pour l’instauration de couloirs humanitaires et de zones d’exclusion aérienne dans le nord de la Syrie pour protéger la population des frappes de l’aviation de Bachar Al-Assad. Surtout, il a estimé que « le régime avait déjà franchi depuis longtemps la ligne rouge du président Obama en ce qui concerne l’utilisation d’armes chimiques ». « Le monde entier reste assis, regarde sans rien faire », a-t-il déploré. Son pays a déjà accueilli plus de 320 000 réfugiés syriens et fait face à un afflux ininterrompu. Début mai, de violents incidents ont éclaté à Akçakale, à la frontière, alors qu’un groupe de Syriens tentait de forcer le passage vers la Turquie. Un policier turc a été tué dans des échanges de tirs et une dizaine d’autres ont été blessés.

Au sujet de la Syrie comme sur d’autres dossiers, le premier ministre turc a fait preuve de pragmatisme pour retourner à son avantage une position délicate et apparaître en première ligne. Avant le « printemps arabe », la Turquie avait fait de son rapprochement avec le régime de Bachar Al-Assad l’une des pièces maîtresses de sa diplomatie régionale. Les hommes d’affaires turcs se pressaient à Alep. Quelques semaines avant le début des manifestations et de la répression, les deux voisins posaient encore la première pierre du « barrage de l’Amitié » sur le fleuve Oronte, dans la province limitrophe turque d’Hatay. Désormais, Recep Tayyip Erdogan promet à son ex-ami « une fin à la Kadhafi » s’il ne se retire pas du pouvoir dans les plus brefs délais.

Le « printemps arabe » a eu pour conséquence de créer « une situation sécuritaire nettement dégradée dans le voisinage direct de la Turquie. D’où le besoin de se rapprocher de ses alliés de l’OTAN et en premier lieu des Etats-Unis », souligne Sinan Ulgen. Ankara a ainsi fait appel à l’Alliance atlantique pour garantir la protection de sa frontière. Les Etats-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas ont répondu présent. En début d’année, des batteries de missiles Patriot ont été déployées dans le Sud, près de la frontière syrienne, dans le but d’intercepter d’éventuels tirs de missiles vers le territoire turc.

Après avoir mis en avant sa politique de « zéro problème avec les voisins », la diplomatie turque est aujourd’hui soumise à des tensions dans son environnement régional. « Une initiative comme celle menée avec l’Iran sur le nucléaire en 2010 paraît totalement inimaginable », note M. Ulgen. Sous la pression de Washington, la Turquie a dû réduire ses importations de gaz iranien et a accepté d’accueillir une partie du bouclier antimissile de l’OTAN. Autant de déclarations d’hostilité du point de vue de Téhéran.

Avec l’Irak, le constat n’est pas plus brillant. Bagdad accuse ouvertement Ankara de « contrôler » les manifestations antigouvernementales de la minorité sunnite. « C’est comme si Anbar ou Mossoul faisaient partie de l’Empire ottoman », a lancé, début mai, le ministre de la défense irakien, Saadoun Al-Dulaimi.

Le choix des Turcs d’offrir leur protection à l’ancien vice-président sunnite Tarek Al-Hachemi, poursuivi par la justice irakienne, et de développer la coopération avec le Kurdistan autonome d’Irak, notamment en matière énergétique, ont aggravé le ressentiment et attisé un peu plus les divisions confessionnelles. « En Syrie, en Irak et en Iran, il y a cette perception d’une Turquie appartenant à un axe sunnite face au monde chiite. C’est un facteur qui influence la politique étrangère turque, alors que ce n’était pas le cas avant », estime M. Ulgen.

L’autre sujet régional qui occupera largement les conversations entre MM. Erdogan et Obama est la question israélo-palestinienne. Là aussi, la Maison Blanche compte sur l’appui de la Turquie pour relancer le processus. Le premier pas a été fait en mars, après le coup de téléphone passé par Benyamin Nétanyahou à Tayyip Erdogan pour lui présenter les excuses d’Israël au sujet de l’attaque de la flottille en 2010. « Cet appel de Nétanyahou, avec Obama à ses côtés, est une image très symbolique », souligne un diplomate français connaisseur de la Turquie. Une délégation israélienne se trouvait à Istanbul le 7 mai pour négocier les compensations à verser aux familles des victimes.

L’étape suivante sera la normalisation des relations diplomatiques. « Mais le fait que la Turquie conditionne cela à l’allégement du blocus sur Gaza constitue un obstacle », fait remarquer Sinan Ulgen. Pour soigner sa popularité en Turquie et au Moyen-Orient, M. Erdogan a également annoncé qu’il se rendrait à Gaza. Un déplacement prévu en avril, puis reporté à mai « après la visite à Washington ». Au cours de leur dernière entrevue à Ankara, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a pressé le premier ministre turc de retarder ce voyage, qui pourrait contrarier le rapprochement avec Israël. « Hors de question », a répondu M. Erdogan. « Sur ce sujet, comme sur les autres, la Turquie ne fera rien si les Etats-Unis s’y opposent, juge cependant un diplomate. Comme souvent, Erdogan est un peu incontrôlable. Mais Obama est le seul à pouvoir lui tordre le bras. »

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