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Istanbul. Grands chantiers : le trop-plein 23 mai 2013

Posted by Acturca in Economy / Economie, Istanbul, Turkey / Turquie.
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Courrier international (France) no. 1177, jeudi 23 mai 2013, p. 42        Türkçe
En couverture ~ Istanbul

Caglar Yurtseven, Radikal (Istanbul)

La Direction de l’évaluation des effets sur l’environnement [qui dépend du ministère de l’Environnement et de la Planification urbaine] vient de rendre sa copie. Elle a remis son rapport sur la construction d’un troisième aéroport à Istanbul. Un projet qui va ouvrir toute la partie nord de la ville à l’urbanisation. Selon ce rapport, 80 % de la surface prévue pour ce troisième aéroport est actuellement couverte de forêts : plus de 2 millions d’arbres qui constituent un poumon pour la ville. Mais, pour libérer la place nécessaire, des centaines de milliers d’arbres vont être abattus ; 70 lacs et étangs ainsi que tout leur écosystème vont être perdus ; des dizaines d’espèces d’oiseaux vont disparaître. Les rivières qui alimentent les barrages de Terkos et d’Alibey – les réservoirs d’eau potable d’Istanbul – vont désormais charrier de l’eau sale. Plus de 100 000 voitures et quelque 2 000 bus et camions feront quotidiennement l’aller-retour vers cet aéroport. En résumé, cela débouchera sur une destruction irréversible de la forêt et de l’écosystème local.

Jusque-là pourtant, tout s’est déroulé selon les normes en vigueur en Occident : un projet a été élaboré, le rapport sur l’évaluation des effets environnementaux a été réalisé par un organisme indépendant et ses conclusions ont été rendues publiques. Dans n’importe quel pays civilisé, au vu des dommages exceptionnels que ce projet fait peser sur l’environnement, l’étape suivante aurait été son annulation pure et simple. Sauf que, chez nous, ce rapport n’a eu aucun effet. Les promoteurs du projet s’étaient de toute façon bien gardés de signaler que cet aéroport devait être construit à la place d’une forêt [et l’appel d’offres pour la construction de l’aéroport a déjà été remporté, le 3 mai, par un consortium turc, avec une offre à 22 milliards d’euros].

Cet aéroport n’est qu’un élément du scénario prévu. Les terrains situés dans le nord d’Istanbul, qui sont majoritairement constitués de plans d’eau et de forêts, avaient jusqu’à présent été préservés. On les croyait « intouchables ». Eux aussi sont pourtant menacés par les projets – déjà approuvés – de construction d’un troisième pont sur le Bosphore et de l’autoroute qui le desservira. Il est difficile de mesurer précisément l’ampleur des ravages à venir : le ministère de l’Environnement et de la Planification urbaine a fait adopter un règlement qui dispense le projet de troisième pont de toute évaluation de l’impact environnemental ! Et peu importe que les futurs chantiers n’aient pas l’air tout à fait légaux : ils sont en effet menés sur les territoires des communes de Sariyer [rive européenne] et de Beykoz [rive asiatique], déclarés zones protégées en 1995, statut qui a été renforcé en 1998.

Ces mesures-là de protection de l’environnement, finalement, sont peut-être le projet le plus fou qui ait jamais été adopté à Istanbul. Il faut vraiment rendre hommage aux parlementaires et au ministre de la Culture de l’époque, qui avaient réussi à faire adopter une telle loi malgré la pression financière. Ils ont ainsi accordé à Istanbul quinze années de sursis. Le maire d’Istanbul qui fit inscrire dans le plan de développement urbain de l’époque le principe garantissant que l’on ne toucherait pas aux forêts du nord de la ville n’était autre que… l’actuel Premier ministre, Erdogan.

Ces forêts et ces zones humides du nord de la ville apportent à Istanbul ses particularités climatiques. Elles constituent un écosystème favorisant les précipitations et le développement de la végétation. Les vents du nord qui passent au-dessus de ces forêts insufflent une grande quantité d’oxygène à la ville. Tous les gouvernements veulent laisser une trace, mais, malheureusement, le nôtre restera dans l’Histoire comme celui qui a vicié l’air, arrêté les pluies et enlevé des couleurs à Istanbul, l’une des plus belles villes du monde.

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