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«Ici, c’est l’insurrection et Erdogan ne voit rien!» 3 juin 2013

Posted by Acturca in Istanbul, Turkey / Turquie.
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Tribune de Genève (Suisse) lundi 3 juin 2013, p. 6

Gabrielle Danzas, Istanbul

La grogne contre le premier ministre se propage aux grandes villes d’Anatolie.

Il était 21 h précises, hier soir, quand une cacophonie d’enfer s’est emparée d’Istanbul. Penchés aux fenêtres, les habitants se sont mis à taper sur des casseroles, des poêles ou des assiettes en métal. Et tandis que cette gigantesque fanfare de protestation se mettait en branle, des comparses éteignaient et rallumaient les lumières des appartements, faisant «clignoter» des quartiers entiers tels des sapins de Noël.

Cette scène surréaliste n’a pas été vue qu’à Istanbul. Car au troisième jour de grogne contre «l’autoritarisme» du premier ministre Recep Tayyip Erdogan, la révolte s’est propagée hier en Anatolie. A Izmir, la grande cité de l’Ouest sur les bords de la mer Egée. A Antalya, dans le sud. A Trabzon, dans la région de la mer Noire. Toutes les villes sont peu à peu gagnées par la contestation.

«Il faut dire stop! Erdogan se prend pour un sultan, il n’écoute plus le peuple et croit qu’il peut faire ce qu’il veut», s’emporte Pinar, étudiante en psychologie qui n’en revient toujours pas de la victoire remportée samedi soir. Lâchant du lest devant la contestation, le gouvernement islamo-conservateur avait donné l’ordre à la police de se retirer de la place Taksim, au coeur d’Istanbul. Résultat: jusqu’au petit matin, des dizaines de milliers de jeunes Turcs ont déferlé sur Taksim.

La bière de la colère

L’esplanade est ainsi devenue un défouloir de toutes les composantes de la société ulcérées par les «dérives autoritaires» du premier ministre. «Il cherche à modifier notre style de vie, explique Ümit, qui arbore comme une cape le drapeau rouge et blanc de la Turquie. Il ordonne aux femmes de faire au moins trois enfants et il veut interdire l’alcool. » Après «Erdogan, démission!», un des slogans qui a le plus de succès est d’ailleurs: «A ta santé, Erdogan!» Des jeunes brandissent leurs canettes d’Efes, la marque de bière nationale, en défi à la loi votée la semaine dernière pour restreindre la vente de l’alcool au détail.

Sur les réseaux sociaux, les internautes relaient les violences policières, souvent très brutales. A Ankara, la capitale, les forces de l’ordre ont chargé contre des manifestants qui tentaient d’atteindre le bureau du premier ministre Recep Tayyip Erdogan. Selon le syndicat des médecins, 414 civils auraient été blessés dans divers incidents.

La vague de mécontentement exprimée sur Facebook et Twitter a d’ailleurs mis à mal l’argument du chef du gouvernement, qui réduit les manifestants de la place Taksim à «des extrémistes» guidés par «l’idéologie».

Car on était bien loin, ce week-end, de la modeste mobilisation de quelques centaines de militants stambouliotes, mardi passé, pour s’opposer à la destruction d’un petit parc attenant à Taksim. La grogne a définitivement viré à la contestation du mode de gouvernance de Recep Tayyip Erdogan. La répression des manifestants pacifiques a fait exploser une colère accumulée depuis des années par une bonne partie de la population.

Le pouvoir aveugle

Le premier ministre comprend-il la colère d’une partie de la population? Rien n’est moins sûr. «S’ils appellent dictateur quelqu’un qui sert le peuple, qu’est-ce que vous voulez que j’y fasse?» a-t-il lancé hier, goguenard, dans une interview télévisée. Voilà qui conforte tous ceux qui accusent le chef du gouvernement de s’être laissé griser par les trois victoires législatives remportées d’affilée par sa formation islamiste, le Parti de la justice et du développement (AKP), depuis 2002.

«Nous vivons un climat insurrectionnel extraordinaire et Erdogan ne comprend rien à ce qu’il se passe, il est entouré deyes men», note Cengiz Aktar, un intellectuel libéral descendu dans la rue. «C’est la cécité du pouvoir absolu. »

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