«Le pouvoir cherche à délégitimer la contestation» 15 juin 2013
Posted by Acturca in Turkey / Turquie.Tags: AKP, Elise Massicard, Parc Gezi, Recep Tayyip Erdogan, Taksim
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Tribune de Genève (Suisse) samedi-dimanche 15-16 juin 2013, p. 3
Olivier Bot
Deux semaines après l’irruption d’une contestation du pouvoir par la rue, une politologue d’Istanbul analyse le rapport de force et l’avenir du mouvement.
L’évacuation en force de la place Taksim, à Istanbul, et la perspective d’un possible référendum évoquée par Erdogan, concernant l’aménagement du parc Gézy, sonnent-elles la fin du mouvement de contestation qui agite la Turquie depuis deux semaines? Des risques d’affrontements sont-ils à redouter lors des meetings AKP annoncés à Ankara et Istanbul, ce week-end? Elise Massicard, responsable de l’Observatoire de la vie politique turque à l’Institut français d’études anatoliennes d’Istanbul, répond.
L’évacuation en force des manifestants sur la place Taksim met-elle fin au mouvement?
Je ne le crois pas. On ne peut pas réduire ce mouvement à une simple occupation de l’espace public. La mobilisation est plus large. Et la répression de mardi soir, qui a soulevé une vague d’indignation, a encore polarisé le conflit.
Les partis d’opposition peuvent-ils capitaliser sur ce mouvement pour la suite?
C’est compliqué pour eux. Le mouvement leur échappe. Il a sa dynamique propre. L’une des stratégies du pouvoir consiste à tenter de le délégitimer en disant que ce sont les kémalistes (les partisans d’un Etat laïque) qui sont derrière. En fait, le parti kémaliste, s’il a officiellement soutenu la mobilisation, est divisé à l’égard de ce mouvement. Le parti national kurde est aussi circonspect face à cette mobilisation spontanée. D’autant qu’il est en pourparlers avec l’AKP, le parti au pouvoir, sur la délicate question kurde.
Les attentes des manifestants en matière de libertés individuelles ont quelque chose de très Européen face à l’autorité du sultan, non?
Si le mouvement est composite, la revendication d’un mode de vie libre, le refus de l’intervention du pouvoir dans la sphère privée sont communs aux manifestants. Il y a un aspect libéral, voire libertaire à ce Printemps de Taksim, qui fait aussi référence à Occupy Wall Street ou aux Indignés. N’oublions pas que tout démarre par le refus de voir s’implanter un centre commercial géant, un temple de la consommation de masse à la place d’un parc, un espace de vie sociale gratuit.
La répression a fortement dégradé l’image de la Turquie à l’extérieur. Erdogan en a-t-il conscience?
Oui, mais pour lui, ce qui porte atteinte au pays, qu’il dit bien gouverné et en ordre, ce sont les émeutiers.
Peut-on craindre des affrontements, une guerre civile?
Il y a déjà eu des heurts dans la ville du premier ministre, au bord de la mer Noire. Des manifestants ont été attaqués par des gens liés à l’AKP. Il faudra voir ce qu’il se passera ce week-end, lors des meetings du parti d’Erdogan à Ankara et à Istanbul. Y aura-t-il remobilisation des manifestants à cette occasion? Cela pourrait provoquer des tensions. On ne peut pas écarter le risque de débordements.
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