Les Européens maintiennent les discussions d’adhésion avec une Turquie en crise 21 janvier 2014
Posted by Acturca in France, Turkey / Turquie, Turkey-EU / Turquie-UE.Tags: Recep Tayyip Erdogan
trackback
L’Opinion (France) 21 janvier 2014, p. 11
Isabelle Marchais (à Bruxelles)
Bruxelles, inquiète de la situation politique dans le pays, reçoit le Premier ministre turc Recep Erdogan. Le président Hollande se rendra à Istanbul et à Ankara à la fin du mois. Le Premier ministre turc Recep Erdogan est attendu mardi à Bruxelles pour une visite prévue depuis plusieurs mois. Les Européens devraient en profiter pour demander une enquête ouverte, transparente et impartiale sur les accusations de corruption qui visent des élus et des hommes d’affaires du pays et dénoncer les atteintes à l’Etat de droit. Mais ils devraient aussi marquer leur volonté de poursuivre les négociations d’élargissement.
La Turquie et l’Union européenne ont décidément du mal à normaliser leurs relations. Après des années de tensions et de blocages, 2013 a marqué un tournant : les négociations d’adhésion ont été relancées, et un traité de réadmission sur les migrants illégaux a été signé avec Ankara, ouvrant la voie à de nouvelles opportunités. Revigoré par ce nouveau climat, le Premier ministre turc Recep Erdogan, attendu ce mardi à Bruxelles pour la première fois depuis cinq ans, espérait engranger un grand succès politique. Après une première réunion de travail à la Commission, un déjeuner est prévu avec le président du Conseil européen Herman Van Rompuy, en présence de José Manuel Barroso, du président du Parlement européen Martin Schulz et de la Haute Représentante Catherine Ashton
Plusieurs sujets seront abordés : les négociations d’adhésion avec l’UE, Chypre, la Syrie, mais aussi la situation politique en Turquie, qui risque d’assombrir le climat. « Il faut que les Européens envoient des messages un peu durs car nous sommes vraiment préoccupés par les dernières évolutions en Turquie en matière de démocratie et d’Etat de droit. En même temps, il faut reconnaître qu’il y a eu des développements assez positifs sur le processus d’élargissement et essayer de les maintenir », note une source européenne. Beaucoup dépendra aussi de ce que dira Recep Erdogan ; certains diplomates à Bruxelles n’excluent pas qu’il lâche du lest sur la réforme de la justice. Mais d’autres sont plus pessimistes.
La situation est tendue à Ankara. Pour contrer les velléités de l’enquête anticorruption initiée il y a quelques mois contre des dizaines d’élus et d’hommes d’affaires proches du Premier ministre turc, le gouvernement est en train de faire le ménage dans la justice et la police. Le Parlement débat depuis une dizaine de jours d’un projet de loi qui vise à contrôler le processus de nomination des juges, une vingtaine de procureurs vont être mutés, et plusieurs centaines de policiers, dont de nombreux gradés, ont été limogés depuis la mi-décembre. Ces atteintes à l’indépendance de la justice et à l’Etat de droit sont observées avec inquiétude, tant à Washington qu’à Bruxelles. « Nous attendons que les autorités turques s’assurent que ces cas de corruption soient examinés de manière tout à fait ouverte et transparente et en toute impartialité », a répété vendredi un porte-parole de la Commission européenne. Les choses pourraient évoluer dans le bon sens. Le ministre turc des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu s’est dit prêt dimanche à écouter les critiques des Vingt-huit. Tout l’enjeu, pour la Turquie, est d’obtenir la poursuite des négociations. Cette piste semble privilégiée à Bruxelles, qui y voit une façon d’aider la Turquie à accélérer les réformes, politiques et économiques. Il semble par ailleurs peu probable que les Européens décident d’un gel des discussions, quelques semaines seulement après la décision de les relancer, pour la première fois depuis plus de trois ans. Mais les Vingt-huit veulent aussi éviter de donner une arme politique au Premier ministre turc. « Il faut trouver un juste équilibre. Les Européens n’ont rien à gagner à couper les relations avec la Turquie, mais il ne s’agit pas non plus de donner carte blanche à Erdogan », reconnaît une source européenne.
Evolution de la position française. La Turquie est officiellement candidate à l’Union européenne depuis 1999, mais le processus de négociations, engagé en 2005, est le plus lent jamais mené. Sur les 35 sujets de discussion prévus, un seul a, jusqu’ici, pu être bouclé (celui portant sur la recherche), 14 sont ouverts et 20 sont encore gelés, dont 3 par Ankara, 8 par l’Union européenne, 3 par la France, et 6 par Chypre, qui n’a toujours pas réglé son différend territorial avec la Turquie. Le Premier ministre chypriote avait envoyé au printemps quelques signes d’ouverture, qui n’ont pas encore été suivis d’effets. Après des années de blocage, la position française a en revanche fortement évolué depuis l’élection de François Hollande, qui se rendra à Ankara et à Istanbul les 27 et 28 janvier. « La France agit désormais au cas par cas : elle n’est plus dans une position dogmatique de blocage, elle n’est plus dans la négative permanente », explique un diplomate. La Turquie lui en sait gré. Mais certains de ses partenaires européens, qui avaient pris l’habitude de s’abriter derrière son opposition, vont devoir clarifier leur position.
Commentaires»
No comments yet — be the first.