Erdogan place internet sous surveillance 20 février 2014
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Le Soir (Belgique) jeudi 20 février 2014, p. Brabant Wallon11
Anne Andlauer, Istanbul de notre correspondante
Le président turc est donc resté sourd à tous ceux qui le pressaient, en Turquie même mais aussi depuis l’étranger, d’utiliser son droit de veto. Mardi soir sur son compte Twitter, Abdullah Gül a annoncé avoir promulgué une loi votée au Parlement le 5février, malgré la fronde de l’opposition, renforçant considérablement le contrôle d’internet dans son pays.
«Vous m’aviez fait part de vos objections (…) dont j’étais moi-même conscient», a expliqué le chef de l’État à ses quelque 4,4 millions d’abonnés sur le réseau social. Abdullah Gül précise avoir obtenu du gouvernement la promesse que «ces préoccupations seront prises en compte dans la nouvelle loi».
De fait, quelques heures plus tôt, le ministre des Transports et des Communications, Lütfi Elvan, avait assuré que les données de connexion des internautes turcs ne pourraient finalement pas être utilisées sans décision d’un tribunal. La loi adoptée le 5février oblige les fournisseurs d’accès à conserver ces informations pendant un à deux ans. Mais le texte initial les contraignait à transmettre ces données à l’Autorité des communications et télécommunications (TIB) sur simple demande, sans avoir à attendre la décision d’un juge.
S’il a accepté de revoir cette mesure controversée, le gouvernement n’a en revanche concédé aucun recul sur la mesure la plus contestée de la loi, qui autorise la TIB, une institution liée à l’Exécutif, à bloquer de son propre chef tout contenu internet soupçonné de porter atteinte à la «vie privée». Ce blocage administratif devra certes être validé par un juge, mais uniquement a posteriori, a confirmé le ministre Lütfi Elvan.
«Cela veut dire que le gouvernement pourra censurer n’importe lequel de nos articles en s’appuyant sur le concept extrêmement subjectif de vie privée, sans même prendre la peine de nous envoyer un e-mail», explique Dogan Akin, rédacteur en chef du quotidien turc en ligne T24. Le journaliste est d’autant plus inquiet que quelques jours avant le vote de la loi, la TIB lui avait demandé par e-mail de «retirer immédiatement» un article du site du journal, avant de faire marche arrière, prétextant une «erreur». Dans l’article en question, un député de l’opposition interpellait le Premier ministre sur des soupçons de corruption au moment du rachat d’un groupe de médias.
Les détracteurs du texte accusent Recep Tayyip Erdogan d’avoir élaboré cette loi pour limiter les fuites de documents compromettants, alors qu’une enquête anti-corruption vise depuis deux mois une partie de son entourage politique et économique. Très peu d’informations ont filtré sur l’enquête mais ces dernières semaines, une série d’enregistrements diffusés sur les réseaux sociaux et les médias en ligne embarrasse le gouvernement. L’un de ces enregistrements semble notamment confirmer qu’Erdogan est intervenu auprès de plusieurs hommes d’affaires lors du rachat d’un groupe de médias, ce qu’il a toutefois démenti.
Le Premier ministre considère ces fuites comme une nouvelle phase du «complot» dont il se dit victime. Il accuse la puissante communauté de l’imam Fethullah Gülen, un ancien allié, d’avoir infiltré la police et la magistrature, et monté de toutes pièces une enquête anti-corruption pour discréditer son gouvernement. À cinq semaines des élections locales, Erdogan ne s’en cache pas: la loi sur internet a pour but «d’anéantir l’État parallèle» et «d’empêcher que la politique ne soit dictée par des enregistrements».
En promulguant ce texte critiqué par l’Union européenne pour ses «restrictions à la liberté d’expression», le président Abdullah Gül évite la confrontation directe avec ses compagnons du Parti de la justice et du développement (AKP), dont le Premier ministre lui-même. Mais il prend le risque de décevoir ceux qui, à six mois du scrutin présidentiel, voyaient en lui un recours à Recep Tayyip Erdogan. Mardi soir, dans les minutes suivant ses déclarations sur Twitter, les adversaires de la loi ont lancé une campagne encourageant les abonnés du chef de l’État à ne plus suivre son compte. En l’espace de 24 heures à peine, le président avait déjà perdu plus de 100.000 abonnés Twitter.
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