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Erdogan en première ligne 19 juin 2014

Posted by Acturca in France, Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie, Turkey-EU / Turquie-UE.
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Paris Match (France) 19 juin 2014, pp. 52-53 (extrait)                                             Türkçe

Gilles Martin-Chauffier, De notre envoyé spécial à Ankara

Paris Match. Vous venez cette semaine à Paris discuter avec François Hollande, puis vous vous rendez à Lyon pour rencontrer les membres de la communauté turque. La France est-elle à nouveau une nation amie de la Turquie après le passage à vide des années Sarkozy ?

Recep Tayyip Erdogan. Une nouvelle période s’est ouverte avec François Hollande. Notre entretien au G20 de Saint-Pétersbourg, puis sa visite chaleureuse en Turquie ont été amicaux. Alors que Nicolas Sarkozy n’avait même pas passé vingt-quatre heures dans le pays en qualité de président du G20 en 2011, François Hollande, lui, a pris le temps de voir Ankara et Istanbul. Ce fut très positif et le ton de nos relations sera différent. Après des années de crise, une page blanche s’ouvre. Nous aurons beaucoup de sujets à débattre, régionaux et internationaux.

La chute de Mossoul et les succès militaires de l’EIIL mènent l’Irak à se diviser en communautés ennemies. La Turquie, seule zone de stabilité régionale, est-elle assez soutenue par l’Europe ?

Absolument pas ! Malheureusement, l’Europe semble s’être renfermée sur elle-même. Les valeurs universelles qui constituent son idéal sont bafouées les unes après les autres et elle garde le silence comme elle l’a gardé face au drame syrien. Tout comme elle l’a gardé pendant des décennies sur la question palestinienne. Et, actuellement, elle ne se montre pas à la hauteur des réactions nécessaires concernant la question irakienne. Son silence creusera des plaies difficiles à guérir dans les consciences des peuples du Moyen-Orient. Non seulement il n’y a pas eu de soutien politique, mais, en plus, ni le peuple syrien ni la Turquie n’ont reçu d’aide véritable du monde pour faire face au problème des réfugiés. Croyez-moi, une Europe qui ne réagit pas face aux crimes militaires, aux injustices et aux drames humanitaires qui frappent le Moyen-Orient aura demain du mal à défendre ses propres valeurs.

Après tant de délais et d’années de négociations, la Turquie souhaite-t-elle toujours intégrer l’Union européenne ? Vous-même, vous sentez-vous européen ?

p. 53

Vous ne pouvez pas écrire l’histoire de la Turquie sans l’Europe ou l’histoire de l’Europe sans la Turquie. L’objectif de la Turquie d’adhérer à l’UE est un choix stratégique auquel l’Europe doit répondre avec une même perspective stratégique. L’Histoire a fait de l’Europe un continent pluriculturel et pluriconfessionnel. Si l’UE est attachée à des valeurs telles que l’Etat de droit, la démocratie et les droits de l’homme, la Turquie les partage et se les est appropriées. Cela dit, en effet, les obstacles artificiels posés dans le processus d’adhésion et les chapitres bloqués injustement ont porté un coup à la motivation de notre nation. Sans pour autant modifier notre objectif d’adhésion à part entière. A ce propos, en ce qui concerne de nombreux critères d’adhésion, la Turquie est d’ailleurs dans une meilleure situation que la moitié des pays membres de l’UE.

Pensez-vous que le manque d’enthousiasme des Européens à l’égard de la Turquie est lié à sa religion dominante ? Ne seriez-vous pas déjà européen si vous aviez du pétrole ?

L’UE est une union de valeurs qui vont de la démocratie aux droits de l’homme et de la prospérité à la solidarité, sans oublier la sécurité. La réduire à un axe religieux serait très injuste. Et hors du temps. L’Histoire a vu bien des guerres entre catholiques et orthodoxes ou entre catholiques et protestants. Des divergences subsistent encore entre leurs Eglises de nos jours. Mais ces différences religieuses ne constituent pas d’obstacles politiques. Se servir de l’argument religieux comme prétexte pour s’opposer à l’adhésion de la Turquie n’est ni réaliste ni rationnel. On ne bâtit pas un projet sur des obsessions. Nous, en Turquie, nous ne redoutons pas un choc des civilisations mais aspirons au contraire à une alliance des civilisations. Quant au pétrole, jusqu’à nouvel ordre, il ne figure pas parmi les valeurs européennes, même si notre territoire héberge une partie importante de vos voies d’approvisionnement énergétique.
« En douze ans, nous avons gagné huit élections. Le peuple fait confiance à l’AKP »

Depuis des siècles, l’Iran est à la fois un voisin, un rival et parfois un ennemi. Pouvez-vous le laisser développer son armement nucléaire sans réagir ? Allez-vous, à votre tour, développer cette technologie ?

Nous ne voulons pas d’armes nucléaires au Moyen-Orient. La Turquie contribue activement à toutes les organisations internationales de désarmement et aux travaux menés dans ce domaine. Cependant, nous ne nous opposons pas à une utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.

Au début des printemps arabes, la république musulmane et laïque de Turquie était citée en modèle par tous. La Turquie demeure-t-elle un modèle pour les pays de la région ?

Chaque nation a sa propre histoire. Nous n’avons jamais prétendu constituer un modèle. Mais nous nous réjouissons que nos réussites soient montrées comme exemples. Le tableau est évident : la Turquie est un Etat de droit, démocratique et laïque qui démontre concrètement que l’islam et la démocratie sont parfaitement compatibles.

Comment l’AKP, votre parti, conçoit-il les rapports entre religion et politique ?

Les droits religieux et culturels ont longtemps été réprimés. L’exécution des devoirs religieux les plus fondamentaux était empêchée. L’Etat exerçait une pression religieuse et culturelle sur ses propres citoyens. Une politique de déni, de refus et d’assimilation a été menée non seulement à l’égard des origines ethniques mais aussi à celui de tout type de valeur religieuse. Notre parti politique a émergé comme un mouvement luttant contre ce type de répression. Lorsque nous avons défendu les libertés, nous l’avons fait pour l’ensemble des citoyens de ce pays. Nous allons continuer pour que chacun puisse exprimer son identité, préserver ses propres valeurs culturelles et exprimer librement ses opinions. Les politiques d’ouverture menées ces dernières années à l’égard de nos citoyens arméniens et grecs en constituent les meilleurs exemples.

Les émeutes de la place Taksim ont beaucoup frappé l’opinion en Europe. Après douze ans au pouvoir, en démocratie, il y a toujours une fatigue à l’égard des dirigeants, comme il y en eut avec de Gaulle ou avec Margaret Thatcher. Ressentez-vous cette lassitude ?

La situation de chaque pays et de chaque leader est différente. En général, il est vrai que rester au pouvoir mène souvent à une perte électorale. En Turquie, depuis 2002, existe une situation inverse. En douze ans, nous avons gagné huit élections. Nous avons remporté nos premières législatives en 2002 avec 34 % des voix ; en 2007, c’était 47 % ; et, en 2011, nous avons frôlé 50 %. Nos résultats s’améliorent continuellement. Le peuple fait toujours confiance à l’AKP. Aux élections locales du 30 mars, il a encore fait son choix en faveur de l’AKP. Tant que la nation nous fera confiance, nous resterons ses serviteurs.

Que vous a enseigné la pratique du pouvoir ? De quoi doit le plus se méfier un chef d’Etat ?

De l’arrogance. Il faut rester à l’écoute. Le peuple aime les responsables qui travaillent pour lui. Depuis l’époque où j’étais maire d’Istanbul, je me suis fixé comme objectif de rendre sincèrement service à mon peuple. Nous sommes tous des mortels. Ne resteront derrière nous que nos actions.

Vous avez été joueur de foot semi-professionnel pendant les années 1970. Regardez-vous le Mondial ? Avez-vous un favori ?

J’essaie de voir certains matchs. Cette Coupe du monde démarre bien en réservant d’étonnantes surprises. Chez les Bleus, je regrette l’absence de Ribéry et de Samir Nasri. Dommage que la Turquie ait été éliminée à la dernière minute. Mais nous étions dans le groupe des Pays-Bas. Eux, je les vois aller très loin.

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