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Erdogan, président tout-puissant 11 août 2014

Posted by Acturca in Turkey / Turquie.
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Le Figaro (France) no. 21776, lundi 11 août 2014, p. 7

Hakikat Nare, Istanbul

Le premier ministre turc remporte l’élection présidentielle dès le premier tour. Sa victoire prolonge de cinq ans son règne autocratique à la tête du pays.

Le premier ministre turc au pouvoir depuis douze ans, Recep Tayyip Erdogan a été élu président de la République au premier tour du scrutin avec environ 52 % des votes. Son principal adversaire Ekmelettin Ihsanoglu, candidat commun du CHP (gauche kémaliste) et du MHP (extrême droite), n’a pu réaliser qu’un score de 38 %. L’échec est de taille pour ces deux partis d’opposition : Ihsanoglu n’a pas pu atteindre le total des votes que les deux partis avaient obtenu aux dernières législatives. Quant au candidat proche du mouvement kurde, Selahattin Demirtas, il réalise un petit exploit en obtenant 9 % des votes. Il pourrait devenir, pour de nombreux observateurs, une nouvelle alternative politique.

Malgré la contestation croissante contre lui, Erdogan est parvenu, encore une fois, à obtenir une victoire considérable. Ni les grandes manifestations du parc Gezi, ni les critiques alarmantes des intellectuels sur ses dérives autoritaires, ni le scandale de corruption qui a éclaté en décembre dernier n’ont baissé l’engouement de ses électeurs.

Le scrutin a été marqué par une abstention record, 25 %, dans un pays où le taux de participation est traditionnellement élevé (89 % aux municipales en mars dernier). Plus que l’effet vacances du mois d’août, c’est la certitude que tout soit joué d’avance qui semble avoir poussé les électeurs à bouder le scrutin. La presse qui a déclaré Erdogan gagnant dès le début de la campagne, les sondages qui lui ont attribué une victoire dès le premier tour et les accusations de trucage des votes formulées par l’opposition lors des précédentes élections ont conforté cette perception.

Renforcer ses pouvoirs

Si les partisans d’Erdogan fêtaient dimanche soir sa victoire écrasante, des réactions provenant de « l’autre Turquie » , qui n’a pas voté pour lui, étaient marquées par l’inquiétude. « Erdogan divise en deux la société turque. Il se sert des failles ethniques et confessionnelles pour consolider son électorat et diriger avec la peur et les menaces » , affirme Kadri Gürsel, chroniqueur au journal Milliyet. « Il lance des phrases de mépris que d’autres n’auraient jamais osé. Sa stratégie a marché, mais c’est la paix interne de la Turquie qui payera le prix. »

L’homme fort d’Ankara n’a désormais presque plus aucun obstacle pour devenir encore plus fort. Il a déjà déclaré qu’il entendait mener « une présidence active » , alors que la Constitution turque prévoit un régime parlementaire où le président de la République ne possède que des pouvoirs symboliques. Erdogan souhaite changer la Constitution pour passer à un système présidentiel. Il pourrait ainsi continuer à diriger le pays d’une main de fer, comme il le fait depuis quelques années, après avoir mis fin à la tutelle des militaires. « Erdogan va instaurer un régime basé sur un seul homme, qui frôle une dictature. Car il a supprimé la séparation des pouvoirs. L’exécutif, c’est lui, le législatif, c’est son parti, la justice est sous sa tutelle, les juges et les procureurs qui ouvrent des enquêtes non désirées sont immédiatement virés. Quant au quatrième pouvoir, les médias sont, en dehors de quelques exceptions, sous son contrôle » , écrivait le politologue Baskin Oran le 8 août dernier sur le site d’information T24.

Pour changer la Constitution, Erdogan devra attendre les législatives de 2015 car sa majorité au Parlement ne lui permet pas actuellement de le faire. Mais pas sûr que son parti, privé de son chef charismatique, puisse obtenir en 2015 le nombre de sièges nécessaires. Selon Baskin Oran, Erdogan pourrait alors faire recours à une manipulation des vides juridiques pour continuer à régner comme à son habitude. Même si c’est au prix de violer la Constitution et de provoquer, comme en été dernier, de violentes manifestations.

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