La Turquie conserve une posture ambiguë 22 septembre 2014
Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie.Tags: État islamique en Irak et au Levant (EIIL), diplomatie, Irak, Mossoul
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Le Figaro (France) no. 21811, lundi 22 septembre 2014, p. 6
Nare Hakikat, Istanbul
Les 46 ressortissants turcs détenus depuis 101 jours par les djihadistes de l’État islamique ont été libérés et ont regagné, samedi matin, vers 5 heures, la Turquie. Les ex-otages, parmi lesquels se trouvent le consul général de Turquie à Mossoul, des diplomates, des militaires et des enfants, sont sains et saufs. Selon le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, les otages ont été libérés à l’issue de longues négociations. Ankara affirme n’avoir payé aucune rançon, ni accepté aucune condition en contrepartie de leur libération.
La Turquie avait refusé la semaine dernière de prendre un rôle militaire dans la coalition contre l’État islamique, officiellement pour ne pas mettre en péril la vie de ces otages. Sur les chaînes télévisées turques, on pouvait entendre samedi matin qu’Ankara pouvait désormais agir plus librement et prendre une position plus nette contre l’État islamique. Mais comment les djihadistes ont-ils pu renoncer à un tel atout vis-à-vis d’Ankara ? Selon les autorités turques, il s’agit de la réussite d’une opération « 100 % nationale » menée par les services secrets turcs. Ankara aurait gardé un contact permanent avec son consul retenu en otage, par le biais d’un téléphone portable qu’il aurait su astucieusement cacher sur lui. Par la suite, des tribus arabes sunnites d’Irak, contactées par la Turquie, auraient exercé une influence sur les djihadistes et les auraient incités à libérer les otages.
Mais de nombreuses zones d’ombre demeurent dans cette « histoire officielle » , alimentant des rumeurs et des allégations venues de tous bords. Selon le site Takva Haber, diffusant en turc et réputé proche de l’État islamique, les otages ont été libérés parce que « la Turquie a refusé de participer à la coalition d’occupation des États-Unis » . Sur les réseaux sociaux, on pouvait aussi lire que 180 membres d’al-Qaida qui avaient été arrêtés en Turquie ont été remis à l’EI en contrepartie de la libération des otages. Questionné a ce sujet, le président Recep Tayyip Erdogan a donné une réponse ambiguë dimanche, sans démentir un éventuel échange et reconnaissant une « négociation politique » . « Supposons qu’un échange de cet ordre ait pu avoir lieu. Rien ne vaut pour moi la vie de mes 46 citoyens (…) Il n’y a pas eu de négociation matérielle, mais il a été question d’une négociation politique et diplomatique » , a-t-il affirmé.
Selon les journaux kurdes de Turquie, ces « négociations » auraient essentiellement porté sur Kobané (Aïn al-Arab en arabe), ville stratégique du Kurdistan syrien. Les djihadistes de l’EI y mènent actuellement une lourde offensive pour prendre le contrôle de la ville, exercé par le YPG, branche syrienne du PKK (lire ci-dessus). Refusant de voir une entité kurde se former en Syrie, de surcroît gérée par le PKK, Ankara soutiendrait les djihadistes sur ce front. Selon l’agence de presse kurde Firat, cinq véhicules militaires turcs auraient livré samedi des armes aux djihadistes se trouvant à l’est de Kobané, alors que de violents combats continuent d’y opposer le YPG à l’EI.
Après la libération des otages, Ankara n’a plus de prétexte, en dehors de son « allergie kurde » , pour rester à l’écart de la coalition anti-EI. Mais avant de se prononcer à ce sujet, la Turquie tente d’obtenir certaines garanties pour faire face à l’afflux vers son territoire des réfugiés fuyant les djihadistes. Elle souhaite notamment l’instauration d’une « zone tampon » dans le nord de la Syrie. Le sujet devrait être à l’ordre du jour des rencontres d’Erdogan à New York, qui devrait participer lundi à l’Assemblée générale des Nations unies.
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