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Fuyant l’Etat islamique, les Kurdes affluent en Turquie 23 septembre 2014

Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie.
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Le Monde (France) mardi 23 septembre 2014, p. 5

Marie Jégo, Istanbul Correspondante

Les djihadistes ont lancé une offensive sur la ville syrienne de Kobané, à la frontière, et tirent sur les cohortes de réfugiés. Poussés à l’exode par les récentes conquêtes territoriales de l’Etat islamique (EI) au nord de la Syrie, plus de 130 000 personnes, en majorité des Kurdes, ont trouvé refuge en Turquie, dimanche 21 septembre, selon un ministre turc. Des « centaines de milliers » pourraient suivre, assure l’ONU, alors que les combats font rage pour le contrôle de la ville de Kobané (Aïn Al-Arab), troisième ville kurde de Syrie et véritable verrou régional.

Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé à Londres, l’EI s’est récemment rendu maître de plus de 60 villages dans le nord de la Syrie. L’offensive sur Kobané vise à parachever la mainmise des djihadistes sur la zone frontalière, source de juteux trafics. Selon des témoignages de réfugiés, l’EI incendie les villages kurdes, tue les habitants et tire sur les cohortes de réfugiés. Selon Mustefa Ebdi, un militant syrien kurde cité par l’Agence France-Presse, des civils, parmi lesquels « des personnes âgées et handicapées, ont été exécutés dans les villages » . « Nous n’avons pas de chiffre exact » , indique-t-il.

Encerclée par les djihadistes de l’EI, pourvus de blindés, de lance-roquettes multiples et de pièces d’artillerie lourde, Kobané est défendue avec acharnement par quelques milliers de combattants sous-équipés, membres de l’Union des protecteurs du peuple (YPG), le bras armé du Parti de l’union démocratique (PYD), principal parti kurde de Syrie.

Réputé proche du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le PYD a lancé un appel à la solidarité vers les « frères » kurdes de Turquie. Dans la nuit de samedi à dimanche, des milliers de combattants ont franchi la frontière avec armes et bagages, notamment à Mursitpinar, pour aller défendre Kobané, située juste en face. D’autres continuent d’affluer en autobus ou en voiture depuis Mersin, Bitlis, Batman, les grandes villes kurdes de Turquie, selon le quotidien prokurde Özgur Gündem.

Dimanche 21 septembre, les autorités turques ont fermé plusieurs points de passage sur la frontière afin d’empêcher ces combattants de passer. Des heurts ont éclaté entre forces de sécurité et jeunes Kurdes qui manifestaient leur soutien à la résistance syrienne.

Le gouvernement islamo-conservateur du Parti pour la justice et le développement (AKP) a beau mener des pourparlers avec le PKK, il ne voit pas d’un bon oeil le renforcement militaire des Kurdes dans la région. Très aguerris, les combattants du PKK se battent contre l’EI au côté des peshmergas kurdes du nord de l’Irak et de l’YPG en Syrie.

Le MIT (les services secrets turcs), dont le chef, Hakan Fidan, un proche du président Recep Tayyip Erdogan, est très impliqué dans les négociations avec le PKK, ne souhaite pas que les armes livrées par les Américains, les Français et les Allemands se retrouvent entre les mains de cette organisation. Toutefois, Yasar Yakis, ancien ministre des affaires étrangères, a expliqué au quotidien Taraf que « pour venir à bout de l’EI, il faut armer le PKK hors des frontières » .

Bien que membre de l’OTAN, la Turquie était jusqu’ici réservée sur sa participation active à la coalition, arguant du fait que l’EI retenait en otages 49 diplomates et employés du consulat de Mossoul (46 Turcs, 3 Irakiens), capturés en juin lors de la prise de la ville par les djihadistes. Le 20 septembre, les otages ont été ramenés sains et saufs en Turquie. Le détail des tractations avec l’EI n’a pas été dévoilé. « Diriger un Etat n’est pas comme gérer une épicerie. Nous devons gérer avec précaution les dossiers sensibles, sinon il y aura un prix à payer » , a expliqué le président Recep Tayyip Erdogan à la presse dimanche, avant de prendre l’avion pour New York afin d’assister à l’Assemblée générale de l’ONU.

Les détails de la libération n’ont pas filtré. Özturk Yilmaz, le consul turc de Mossoul, détenu en otages trois mois durant avec sa femme et ses enfants, a raconté à la presse turque comment, tout au long de sa détention, il avait pu communiquer avec Ankara au moyen d’un portable disloqué, dont les morceaux étaient détenus séparément pour ne pas éveiller les soupçons des geôliers. Selon la chaîne de télévision privée NTV, les otages ont été emmenés à huit endroits différents durant leur captivité passant de l’Irak à la Syrie; le MIT les a suivis à la trace, notamment au moyen de drones.

Après avoir parlé samedi d’une « opération secrète de sauvetage » brillamment menée par le MIT, M. Erdogan a mis en avant dimanche « une victoire de la diplomatie » . Il n’a pas formellement démenti la possibilité d’un échange lorsque la question lui a été posée. « Echange ou pas, 49 personnes sont rentrées en Turquie » , a-t-il coupé court, démentant catégoriquement le paiement d’une rançon.

Le président turc a semblé indiquer que la Turquie pourrait changer d’avis, au moins partiellement, quant à sa participation à la coalition antijihadiste, dès lors que les otages ont été libérés. « Nous pouvons arriver à une feuille de route après des négociations intensives avec les membres de la coalition » , a-t-il ajouté.

L’afflux de nouveaux réfugiés en Turquie, où 1,4 million de Syriens ont été accueilli ces trois dernières années, constitue une bombe à retardement tant elle pèse sur les régions du Sud-Est, cassant les prix sur le marché du travail et faisant tripler les loyers. En août, des affrontements violents ont eu lieu à Gaziantep, à Urfa et à Kilis, entre habitants turcs et réfugiés syriens.

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