La Turquie, future pièce maîtresse de la coalition 1 octobre 2014
Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie, USA / Etats-Unis.Tags: Alain Rodier, État islamique en Irak et au Levant (EIIL), Syrie
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Le Temps (Suisse) mercredi 1 octobre 2014
Alain Rodier *, Propos recueillis par Boris Mabillard
Le Temps: La Turquie a accepté de rejoindre la coalition contre l’EI après avoir longtemps refusé d’y participer. Pourquoi?
Alain Rodier: Recep Tayyip Erdogan, le président turc, avait les mains liées. Essentiellement à cause des 49 otages capturés par l’Etat islamique à Mossoul, en juin. Si la Turquie avait d’emblée rejoint cette coalition, les djihadistes s’en seraient pris aux otages, en les tuant un par un pour avoir un plus grand impact sur l’opinion publique. Impossible pour Recep Tayyip Erdogan. Mais depuis qu’ils ont été libérés, après des négociations compliquées et peut-être l’échange de djihadistes soignés sur le territoire turc, il a les coudées franches.
La Turquie va-t-elle changer de politique vis-à-vis des djihadistes?
Ankara s’est donné comme priorité de faire tomber le régime syrien en soutenant ceux qui se battaient contre le régime. Le gouvernement a aidé, directement et indirectement, en leur offrant une base arrière, tous les groupes rebelles de Syrie. A commencer par les modérés de la Coalition nationale syrienne. Les mouvements djihadistes ont aussi bénéficié de ces soutiens. Mais la frontière qui était tout à fait poreuse jusqu’il y a quelques semaines devient moins perméable, signe qu’Ankara a changé de politique, a accédé aux pressions occidentales et pris conscience de la dangerosité de l’EI.
Qu’attend Washington de la Turquie?
Les liens entre les deux pays sont très importants et Recep Tayyip Erdogan les ménage. Pour cette raison, il ne peut faire la sourde oreille aux demandes insistantes de Washington qui voudrait pouvoir utiliser la base militaire aérienne d’Inçirlik, située près d’Adana et où les forces américaines sont présentes depuis des années. Pour l’instant, les Américains ont le droit de recourir à cet aéroport pour des missions exclusivement humanitaires. Mais si les chasseurs américains pouvaient décoller d’Inçirlik pour se rendre dans les régions qu’ils bombardent en Syrie, ils gagneraient plusieurs heures et auraient plus de temps sur zone pour accomplir leur mission.
De l’autre côté, quel rôle le gouvernement turc veut-il jouer?
Les autorités turques voudraient créer une zone tampon de 30 km à l’intérieur du territoire syrien. Elles pourraient ainsi y établir des camps de réfugiés pour réduire un peu la pression que représentent le million et demi de Syriens que le pays a déjà accueillis. Elles feraient d’une pierre deux coups, en contrôlant les Kurdes nombreux dans la zone frontalière. D’un autre côté, l’armée turque, la deuxième plus puissante de l’OTAN, est à même de donner la chasse aux djihadistes de l’EI et la coalition a absolument besoin de troupes au sol pour faire le boulot. Trente kilomètres à l’intérieur de la Syrie, c’est mieux que rien.
* Alain Rodier est directeur de recherche au sein du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R)
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