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Automobilistes et routiers turcs rackettés par les douaniers 15 juin 2015

Posted by Acturca in EU / UE, Immigration, South East Europe / Europe du Sud-Est, Turkey / Turquie.
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Le Temps (Suisse) 15 juin 2015, p. 8

Alexandre Lévy, Sofia

Les victimes de cette corruption à petite échelle publient sur Internet des vidéos dénonçant les pratiques des fonctionnaires locaux, alors que Sofia négocie l’adhésion de la Bulgarie à l’espace Schengen.

Le jour où la Bulgarie fera partie de la zone euro, les douaniers et policiers du pays auront certainement une bonne longueur d’avance sur la majorité de leurs concitoyens. Cela fait des années que certains d’entre eux utilisent déjà la monnaie européenne lorsqu’ils arrondissent leur salaire sur le dos des usagers de la route. «Un douanier pauvre, ça n’existe pas», disent les Bulgares, acceptant cette corruption devenue proverbiale comme une fatalité, voire un mal nécessaire.

Mais aujourd’hui, ce sont les routiers et automobilistes turcs qui tirent la sonnette d’alarme sur ces pratiques dont ils sont, surtout en période estivale, les principales victimes. «De nombreuses pages spécialisées existent sur les réseaux sociaux pour donner des conseils pour la traversée de la Bulgarie et surtout dénoncer les cas de corruption», explique Vildan Baïriamova, journaliste turcophone basée dans le sud du pays.

«Racket organisé»

Aussi, des routiers turcs ont équipé la cabine de leur camion d’une petite caméra pour enregistrer les échanges avec la police bulgare. Révélées par le site d’investigation Bivol, certaines de ces vidéos sont devenues virales, provoquant même le renvoi d’un inspecteur. «Cela ne suffit pas!» s’insurge son principal animateur, Atanas Tchobanov, qui parle d’un «racket organisé». On y voit, par exemple, un douanier pratiquer des contrôles sauvages sur l’autoroute, près de la frontière. Baragouinant le turc, il propose d’abréger les formalités en échange de quelques billets maavi (bleus), nom de code pour les coupures de vingt euros… «Surtout pas des karmazy (rouges)!» prévient-il en référence aux billets de dix. Ailleurs, on entend un routier marchander longuement avec une douanière au poste-frontière de Kapitan Andreevo, principal point de passage vers la Turquie, qui lui réclame cinq euros. «C’est pour une soupe, c’est ça?» lui demande-t-il avant de repartir vers la Turquie. A la vue du drapeau de son pays, le routier remercie longuement Dieu d’être arrivé à bon port.

«Pour une soupe»: l’expression, devenue proverbiale, est même devenue la trame d’une publicité télévisée très populaire pour des soupes lyophilisées en Turquie, qui met en scène les déboires d’une famille turque lors d’un contrôle routier en Bulgarie. «Tu roules à 200 euros/heure, komshi (voisin)», dit le policier avant de se retrouver avec des soupes en sachet en guise de pot-de-vin.

«Cela montre à quel point, dans la psychologie populaire de nos voisins, nos sommes associés à ces images lamentables», se désole le journaliste Vildan Baïriamova. Aujourd’hui, quelque 400000 poids lourds turcs traversent annuellement la Bulgarie. Le nombre des gastarbeiter, ces Turcs d’Europe de l’Ouest rentrant au pays pour les vacances estivales, atteint certaines années le chiffre de 2 millions. Une véritable manne. Car, si avant la chute du mur de Berlin, la «taxe de passage» n’était que d’un paquet de cigarettes américaines ou une canette de coca, aujourd’hui elle peut s’élever à plusieurs billets maavi. Pour les spécialistes, c’est bien cette corruption à petite échelle – mais massive – qui pose le plus de problèmes pour l’adhésion du pays dans l’espace de libre circulation Schengen. Et non pas l’afflux de migrants ou les quelques candidats au djihad occidentaux qui tentent de rejoindre la Turquie par la route. Ces derniers sont même la hantise des douaniers indélicats parce qu’ils risquent de perturber leurs petites combines bien plus rémunératrices – et tellement moins dangereuses.

Adhésion à Schengen

Ces mauvaises pratiques ont résisté aux nombreuses réformes et tentatives de réorganisation de la police et de la douane entreprises ces dernières années par les autorités bulgares qui souhaitent faire adhérer le pays à l’espace Schengen. La vice-première ministre, Meglena Kouneva, chargée des politiques européennes, tente désormais de négocier une entrée «partielle» (ports et aéroports uniquement) pour fin 2015, admettant de fait que la frontière terrestre continue d’échapper aux normes européennes. Pour finir de s’en persuader, il suffit de visionner ces autres images – celles de l’orchestre folklorique d’Edirne, dont les membres ont choisi une forme originale de s’acquitter de la «taxe de passage» lors du contrôle des passeports à Kapitan Andreevo. Ils ont joué. Et les douaniers bulgares ont eu droit au fameux «Anisette, anisette, passe-moi une cigarette», un morceau considéré comme l’hymne des fêtards et des caïds, célébrant la réussite matérielle – un rêve devenu visiblement réalité pour bon nombre de ces fonctionnaires.

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