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Israël et la Turquie définissent les termes de leur rapprochement 27 mars 2013

Posted by Acturca in Economy / Economie, Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie, USA / Etats-Unis.
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Le Monde (France) mercredi 27 mars 2013, p. 4

Laurent Zecchini, Jérusalem Correspondant

Un accord financier doit être trouvé pour dédommager les familles des victimes turques de l’assaut israélien contre le « Mavi-Marmara »

Le dossier de Gaza en témoigne, le rapprochement israélo-turc sera long. Au lendemain d’un accord de normalisation, après trois années de brouille consécutives à l’assaut israélien sur le navire turc Mavi-Marmara qui voulait briser le blocus maritime de Gaza, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, a voulu pousser son avantage un peu loin. Il a annoncé que l’accord prévoyait la levée de ce blocus. La réalité est tout autre, a rappelé, dimanche 24 mars, Yaakov Amidror, conseiller pour la sécurité nationale du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. S’il s’agit bien d’une condition maintes fois réaffirmée par les Turcs, l’Etat juif n’a aucune intention d’y souscrire.

La preuve en a été apportée ces derniers jours par les mesures de représailles prises par Israël en réaction au tir de deux roquettes par un groupe islamiste de Gaza, le 21 mars, au lendemain de l’arrivée du président américain, Barack Obama, en Israël : l’unique point de passage des marchandises vers Gaza de Kerem Shalom a été fermé jusqu’à nouvel ordre, et la limite de la zone de pêche a été réduite de 6 miles marins (11,1 kilomètres) à 3 miles. Elle avait été portée à 6 miles après la trêve conclue avec le Hamas en novembre 2012.

« Si la situation est calme, le processus consistant à faciliter la vie des résidants de Gaza se poursuivra. S’il y a des tirs, ce mouvement sera ralenti, voire stoppé ou inversé », a insisté M. Amidror. « Erdogan, souligne un haut diplomate israélien, ne dit pas la vérité. Sans doute voulait-il présenter comme un triomphe personnel un accord – dont le texte est public – qui n’a jamais mentionné la levée du blocus. Notre position a toujours été de dire que ce qui se passe à Gaza ne regarde pas la Turquie; elle n’a pas changé. Donc il n’y a pas de «victoire turque», disons plutôt un match nul. »

L’accord avec Ankara ne permettra sans doute pas de revenir aux relations qui prévalaient avant cette dispute bilatérale. La première condition, la compensation financière par Israël pour les familles des neuf victimes turques de l’assaut contre le Mavi-Marmara, ne constitue pas un problème majeur : la somme globale, qui devrait être de l’ordre de 10 millions de shekels (2,1 millions d’euros), sera versée sur un compte du gouvernement turc.

Chaque pays est actuellement représenté sur le territoire de l’autre par un chargé d’affaires, et on estime, du côté de l’Etat juif, qu’un ambassadeur israélien pourrait être nommé avant l’été. Les autorités israéliennes ont démenti avoir été poussées vers cet accord par le président Barack Obama à l’occasion de sa visite en Israël, du 20 au 22 mars, et justifient la conclusion du texte par l’urgence de la situation en Syrie. Il n’empêche : Washington a fortement encouragé, et ne voit que des avantages, à ce rapprochement entre deux de ses principaux alliés au Proche-Orient.

« Entre nous et la Turquie se trouve un pays en pleine désintégration, disposant d’armes chimiques qui ont déjà été utilisées et qui pourrait être disséminées dans toute la région. Meilleure sera la coordination entre les Turcs et nous, plus facile il sera de faire face au problème qui risque de nous exploser à la figure à tout instant », a expliqué le conseiller de M. Nétanyahou.

« Il faut que les deux pays se parlent, se consultent, échangent des informations sur la situation en Syrie, et, s’il faut passer à l’action s’agissant de la dispersion des armes chimiques, coordonnent leurs actions avec les Etats-Unis et avec l’OTAN », renchérit un diplomate israélien, qui espère par ailleurs de ce rapprochement la levée du veto turc à la participation d’Israël aux manœuvres de l’Alliance atlantique.

« Le fait qu’en Syrie la situation empire d’une minute à l’autre a été un facteur crucial pour moi », a confirmé le premier ministre israélien. Pour autant, Israël et la Turquie ne vont pas reprendre de sitôt les étroites relations stratégiques qui les ont unis pendant des années, qui permettaient notamment des manœuvres militaires conjointes, et l’utilisation, au cas par cas, de l’espace aérien turc par l’aviation de Tsahal. Cette liberté d’action, fût-elle officiellement niée, aurait pu avoir un grand intérêt en cas d’attaque aérienne israélienne contre les sites nucléaires de l’Iran. Sans qu’il soit question d’un front commun, les deux pays sont aujourd’hui menacés par le régime de Téhéran.

Depuis trois ans, Israël a cependant partiellement compensé la dégradation de ses relations avec Ankara par un net rapprochement avec la Grèce et Chypre, la Bulgarie et la Roumanie, qui lui fournissent en particulier des facilités d’entraînement naval et aérien.

Sur le plan économique, la normalisation des relations israélo-turques pourrait avoir d’importantes conséquences : quelque 500 000 Israéliens avaient l’habitude de passer des vacances en Turquie chaque année, un flot touristique qui a été brusquement interrompu. Les perdants risquent d’être la Grèce et… l’industrie du tourisme israélien.

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