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La Turquie à la croisée des chemins 18 Mai 2010

Posted by Acturca in Middle East / Moyen Orient, Russia / Russie, Turkey / Turquie, Turkey-EU / Turquie-UE.
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France Soir, 18/05/10

Alexandre Del Valle

Ces derniers jours, plusieurs évènements inédits ont marqué la Turquie : le vote du projet de réforme constitutionnelle, les accords stratégiques russo-turcs, la visite d’Erdogan en Grèce, et sa participation au sommet des Non Alignés du « G15 » à Téhéran ce week end. 

Concernant le projet de réforme de la Constitution turque (instaurée par les militaires en 1982 suite au coup d’Etat de 1980), il a été adopté vendredi dernier par le gouvernement islamo-conservateur (Parti de la justice et du développement-AKP). Mais il a été violemment contesté par les tenants de la laïcité et le parti d’opposition kémaliste (le Parti républicain du Peuple-CHP), qui a voté contre la réforme, jugée incompatible avec la laïcité turque (laiklik). Le projet de réforme n’a pas obtenu les 2/3 des voix nécessaires (330 sur 367) à l’adoption définitive, mais suffisamment pour qu’un référendum soit organisé. Le CHP affirme qu’il viole la Constitution et ses articles irrévocables, dixit son porte-parole Mustafa Özyürek. Mais le CHP est ressorti affaibli du scandale qui a contraint son leader Deniz Baykal à démissionner cette semaine à cause d’une vidéo le montrant avec son amante, opportunément diffusée alors qu’il dérange le pouvoir… La guerre civile politico-juridique entre les laïcs-kémalistes et les néo-islamistes bat donc son plein.

Et le CHP a fait appel à la Cour constitutionnelle pour obtenir le rejet de la réforme, qui limiterait les pouvoirs des élites judiciaires laïques et de l’armée hostiles au gouvernement. Qu’en est-il exactement ? La réforme conçue par le pouvoir islamique vise à modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature qui s’est souvent opposé au gouvernement AKP, tandis qu’un autre amendement autoriserait le Parlement à nommer des juges de la Cour constitutionnelle, dont le nombre passerait de 11 à 17. Pire encore pour ceux qui craignent une islamisation radicale du pays, elle permettrait la poursuite de militaires défenseurs de la laïcité devant des tribunaux civils. Rappelons que la Cour constitutionnelle a déjà rejeté plusieurs tentatives de réformes de l’AKP. Si elle rejetait cette nouvelle offensive pour dékémaliser la Turquie, le Premier ministre Erdogan serait obligé de déclencher des élections anticipées. En attendant la décision de la Cour et le référendum du 12 septembre sur les amendements constitutionnels controversés, l’AKP explique que sa réforme est nécessaire à l’adhésion à l’Union européenne et que la Commission de Bruxelles exige ces réformes en Turquie. De son côté, l’opposition favorable au « non » affirme que les changements proposés sont destinés à accroître l’influence du gouvernement islamo-conservateur sur l’appareil judiciaire encore grande partie laïque. Deuxième évènement marquant de la semaine passée, Ankara a signé mercredi dernier un important accord stratégique turco-russe à l’occasion de la visite du Président russe Medvedev en Turquie. Un traité sans précédents (car la Russie et la Turquie sont des ennemis historiques), assorti d’accords énergétiques, de suppressions de droits de douanes et de levée réciproque des visas. Troisième évènement, la visite du Premier Ministre turc T.R. Erdogan en Grèce le 12 mai, assortie d’accords de coopération renforcés, et justifiée par le fait que les économies des deux pays anciennement ennemis eux aussi sont complémentaires et interdépendantes.

Quatrième évènement plus controversé : la visite d’Erdogan en Iran ce week end, sur fond de défense du programme nucléaire civil iranien, ceci à l’occasion du sommet des Non-Alignés du G 15, dont les pays émergents du BRIC (Brésil, Russie, Inde Chine). En fait, pour beaucoup de Turcs partisans déçus de l’adhésion à l’UE, les déclarations eurosceptiques répétées de Sarkozy en France et de Merkel en Allemagne confirment la conviction selon laquelle  « l’Europe ne veut pas de la Turquie » et que celle-ci doit donc regarder ailleurs et développer des accords bilatéraux dans toutes les directions, notamment en Eurasie. Le récent rapprochement d’Ankara avec la Russie, le monde arabe ou l’Iran, voulu par le ministre des affaires étrangères turc Ahmet Davutoglu, démontre qu’au moment où l’UE et l’euro sont menacés par la crise grecque et l’élargissement à 27, ingérable, la Turquie a d’autres options pour l’avenir.

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