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L’avenir du parti islamiste modéré au pouvoir à Ankara est entre les mains de la justice 1 avril 2008

Posted by Acturca in Turkey / Turquie.
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Le Temps (Suisse), 1 avril 2008

Delphine Nerbollier, Istanbul

La Cour constitutionnelle a jugé recevable le recours du procureur de la Cour de cassation demandant l’interdiction de l’AKP, estimant que le parti de Recep Tayyip Erdogan menace les fondements laïcs de la République.

Le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir devra donc faire face aux juges. Lundi, à l’issue de quatre heures de débat, la Cour constitutionnelle a en effet jugé recevable le recours du procureur de la Cour de cassation, Abdurrahman Yalçinkaya. Celui-ci a demandé, le 14mars dernier, qu’un procès soit ouvert contre le parti islamiste modéré afin de l’interdire. Le procureur l’accuse de mener des activités «antilaïques» comme l’aurait montré la récente autorisation de porter le foulard islamique, pour les étudiantes, dans les universités. 71 membres de ce parti, créé en 2001, encourent cinq années d’interdiction d’activités politiques. Parmi eux, se trouvent les plus hauts responsables de l’Etat: le premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le président de la république, Abdullah Gül, élu en août dernier.

Le vice-président de la Cour constitutionnelle, Osman Paksut, a déclaré hier dans une brève allocution devant la presse, que ce recours avait été jugé recevable par la totalité des juges. Seule la situation de l’actuel chef d’Etat, Abdullah Gül, a divisé la cour. Quatre des onze juges ont en effet refusé de valider l’ouverture de poursuites contre lui, pour des faits antérieurs à sa prise de fonction.

Le parti de Recep Tayyip Erdogan doit désormais suivre une voie juridique compliquée. D’ici à un mois, l’AKP devra présenter son dossier de défense. La cour se penchera alors sur le fond du dossier, sur la base d’un rapport de 162pages, mais ne rendra pas sa décision finale avant plusieurs mois.

Le sort de l’AKP, confortablement réélu lors des élections législatives de juillet dernier avec 47% des suffrages, se trouve donc entre les mains de cette Cour constitutionnelle, maillon central de l’establishment kémaliste. Cette bataille, engagée contre le parti au pouvoir par le camp laïc et plus précisément par la corporation des juges, semble être celle de la dernière chance.

L’AKP dispose en effet depuis l’an dernier de la plupart des leviers de pouvoirs: majoritaire au parlement, il dirige le gouvernement et a placé son dauphin à la tête de l’Etat. Bientôt, le président de la République pourra nommer des personnalités moins kémalistes aux plus hautes positions juridiques, notamment dans les hautes cours du pays. Aux yeux de l’establishment, cette étape sonnera la fin de la République laïque. En attendant, les kémalistes purs et durs restent majoritaires à la Cour constitutionnelle, dont la majorité de ses juges a été nommée par l’ancien chef d’Etat, Ahmet Nedjet Sezer, connu pour son opposition virulente à l’AKP. D’un point de vue arithmétique, l’hypothèse de l’interdiction du parti est donc plausible, voire même bien engagée.

«L’un des problèmes de la Turquie, analyse Jean Marcou de l’Observatoire de la vie politique turque (Ovipot), c’est que la justice constitutionnelle cherche davantage à défendre l’ordre établi conçu par la République, avec une élite qui dicte la bonne direction, que de faire respecter des normes objectives. La Cour constitutionnelle va donc plutôt dans le sens de l’ordre établi. Toutefois, je reste dubitatif sur ce qu’elle peut décider. Elle nous a déjà surpris. Il se peut qu’elle prenne une décision de compromis.» Hormis l’hypothèse d’une fermeture de l’AKP, il se peut donc que la cour rejette le recours déposé par le juge Yalçinkaya ou qu’elle opte pour des sanctions intermédiaires, notamment financières, envers l’AKP.

Au sein de l’AKP, peu de déclarations hier, après l’annonce de cette décision si ce n’est celle du porte-parole du gouvernement, Cemil Cicek, qui a assuré que le gouvernement continuerait son travail, à savoir réformer l’économie et avancer vers l’Union européenne. Mais derrière ces propos distancés, cette décision est perçue, au sein du parti comme un véritable affront. C’est ce qu’a rappelé au cours du week-end le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan: «Ceux qui n’ont pas pu nous battre à travers les voies démocratiques préfèrent des méthodes antidémocratiques […]. L’histoire ne le pardonnera pas.»

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