Le Kurdistan irakien tisse des liens étroits avec Ankara en lui livrant pétrole et gaz 8 janvier 2014
Posted by Acturca in Energy / Energie, Middle East / Moyen Orient, Turkey / Turquie.Tags: Ceyhan, gaz, gouvernement régional du Kurdistan, Irak, oléoduc, pétrole
trackback
Le Monde (France) mercredi 8 janvier 2014, p. SCQ4 Türkçe
Économie et Entreprise
Jean-Michel Bezat
Fichkhabour, lieu perdu à la frontière de la Turquie et du Kurdistan irakien, est devenu un symbole pour les Kurdes d’Irak : c’est en effet au niveau de cette station de pompage que l’oléoduc venu du gisement pétrolier de Tak Tak, au sud d’Erbil, siège du gouvernement régional du Kurdistan (GRK), rejoint le grand pipeline Kirkouk-Ceyhan pour livrer le pétrole sur les marchés mondiaux.
Jusqu’à présent, seul le brut du Sud irakien était acheminé vers le port turc de Ceyhan par cet oléoduc. En novembre, le GRK a conclu un accord d’exportation de pétrole et de gaz avec la Turquie et, depuis la fin décembre, cette région autonome exporte ses barils vers son grand voisin du Nord par cet oléoduc, malgré le conflit qui l’oppose au pouvoir central de Bagdad sur la répartition des revenus pétroliers.
Ce conflit interne à l’Irak a incité Ankara à une certaine prudence pour ne pas froisser Bagdad. « Le flux de brut entre l’Irak et Ceyhan a démarré et il est stocké dans des citernes » , a déclaré le ministre turc de l’énergie en annonçant la mise en service du « pipe » . Mais Taner Yildiz a immédiatement précisé que ces premiers barils ne seraient pas vendus sur les marchés internationaux sans le feu vert du gouvernement irakien, qui insiste pour contrôler directement toutes les exportations de pétrole et de gaz de son territoire. Ankara joue même les « M. Bons-Offices » pour favoriser le règlement du différend pétrolier entre Bagdad et Erbil.
« Hub » énergétique
Le gouvernement turc y a intérêt. Au carrefour des voies d’acheminement des grands pays producteurs d’hydrocarbures (Russie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Turkménistan, Iran et Irak) et aux portes de l’Europe, la Turquie a deux préoccupations. La première est de renforcer la sécurité de ses approvisionnements énergétiques. Le pays, qui importe 92 % de son pétrole et 98 % de son gaz, est en effet trop dépendant de la Russie et de l’Iran. Plus de pétrole kurde est donc bienvenu.
Mais la Turquie, qui possède près de 20 000 kilomètres de pipelines, veut également confirmer sa position de « hub » énergétique par lequel transite une partie des hydrocarbures d’Asie centrale et du Moyen-Orient destinés à l’Europe. Cela renforce son poids politique grandissant dans la région et lui assure des rentrées de devises. De nombreux oléoducs ou gazoducs (Blue Stream depuis la Russie, le BTC depuis l’Azerbaïdjan…) arrivent déjà en Turquie, même si Nabucco, le projet de gazoduc défendu par l’Union européenne, est mal en point.
L’oléoduc venu d’Irak qui débouche à Ceyhan – loin d’être utilisé à sa pleine capacité de 1,5 million de barils par jour – est une autre porte d’entrée importante. Le branchement en provenance des gisements kurdes pourrait dans un premier temps accroître le débit de 300 000 barils et renforcer le rôle stratégique de la Turquie. Fort d’une situation sécuritaire bien meilleure que dans les régions sunnite et chiite d’Irak, le GRK voit plus grand : estimant ses réserves d’or noir à 45 milliards de barils (et de 3 000 à 6 000 milliards de mètres cubes de gaz), il pense pouvoir exporter plus de 3 millions de barils par jour vers la Turquie à partir de 2019.
Il y a quelques années, seules de petites compagnies se risquaient à forer au Kurdistan, rappelait récemment au Monde le premier ministre kurde. « Aujourd’hui, tous les grands noms du secteur sont là : ExxonMobil, Total, Chevron, Gazprom » , se félicite Netchirvan Barzani. Et la Turquie, rappelle-t-il, a été « le premier pays à manifester son intérêt pour nos ressources » .
Commentaires»
No comments yet — be the first.